Le remplacement d’une incisive latérale : optimisations ostéo-muqueuse et prothétique. 27 décembre 2020
Le remplacement d’une incisive latérale : optimisations ostéo-muqueuse et prothétique.
L’agénésie de l’incisive latérale, situation clinique fréquente, nécessite son remplacement afin de combler cet espace vide en assurant la continuité de l’arcade maxillaire et un sourire harmonieux.
Plusieurs techniques éprouvées et validées peuvent être proposées ; les moins invasives telles que la prothèse adjointe unitaire ou le bridge collé, les moins écologiques et invasives telles que la prothèse conjointe fixe et la prothèse implanto-portée.
Dans ce cas clinique, en accord avec la patiente et son praticien traitant, le choix de la restauration du site de la 12 par une prothèse implantaire avec réaménagement ostéo-muqueux et pose d’un implant est retenu. L’optimisation du résultat final requiert le passage par plusieurs étapes : nous citons le stade osseux par une augmentation osseuse horizontale avec une grille en titane associée à une greffe osseuse, le stade muqueux avec une greffe conjonctive enfouie, un implant de petit diamètre et les stades prothétiques nécessitant des jeux de prothèses de transition avant la restauration finale.
Nous vous proposons pour cette nouvelle formulation des cas cliniques de « La Lettre de l’IFCIA », la combinaison de deux outils pour le développement du cas; le premier narratif rédactionnel qui traite de l’introduction du sujet, de l’analyse clinique et radiographique, le plan de traitement, la discussion et la bibliographie conseillée ; le second narratif audio-visuel montrant les étapes de son exécution.
ANAMNESE, EXAMENS CLINIQUES ET RADIOGRAPHIQUES :
Cette jeune patiente âgée de 27 ans, nous est adressée pour le remplacement de son incisive latérale droite.
Un traitement orthodontique achevé récemment, aménage un espace suffisant pour le traitement de l’agénésie de la 12 remplacée actuellement par une prothèse adjointe unitaire (Valplast).
Elle ne présente aucun problème de santé générale et ne fume pas.
L’examen extra-oral révèle une harmonie des étages de la face et un sourire gingival dévoilant la gencive marginale, c’est une classe 2 de LIEBART.
L’examen intra-oral montre une occlusion équilibrée, un guide antérieur fonctionnel et des indices de plaque et de saignement au sondage <20%.
Le biotype parodontal est fin, festonné, avec la présence d’une faible hauteur de gencive kératinisée. Les papilles sont présentes sur les dents bordant l’édentement. Les niveaux d’attaches en mésial de 13 et en distal de 11 sont intacts ; le sondage parodontal signe une absence de poches parodontales. Il ne semble pas y avoir un défaut vertical de la crête.
L’examen radiologique, composé d’une radiographie panoramique et d’un CBCT, met en évidence un déficit osseux crestal horizontal important, et donc en épaisseur, intéressant les pans vestibulaires et palatins. Dans cette situation clinique nous sommes en présence d’une crête édenté de classe 3 (Atwood et al.), la largeur de la crête édentée ne mesure que 3mm, elle ne permet pas de poser un implant sans une augmentation osseuse horizontale préalable.
CHOIX THERAPEUTIQUE ET PLAN DE TRAITEMENT :
Avec la collecte de l’ensemble des données cliniques et radiologiques, il est décidé en accord avec la patiente et son praticien traitant de restaurer le site par une prothèse implanto-portée. Le déficit osseux sera corrigé par une technique de régénération osseuse guidée avec une grille en titane ajustée directement en bouche ; elle sera associée à une greffe osseuse, os autogène et xénogreffe (BioOSS®, Geistlich) dans un rapport 50/50 et à la pose d’un implant Nobel Active® de 3,5 *13 mm (NobelBiocare).
Pour épaissir les tissus parodontaux, une greffe de conjonctif enfoui sera réalisée lors du 2ème temps chirurgical.
Par ailleurs, pour assurer la continuité de l’arcade durant les phases cicatricielles, le praticien réalisera un bridge «type Maryland» afin d’éviter toute compression sur le site greffé lors de de la cicatrisation de l’augmentation osseuse, suivi d’une prothèse vissée transitoire aménageant le profil gingival d’émergence de la prothèse d’usage.
Les étapes chirurgicales et prothétiques successives seront au nombre de 4 d’une durée totale de 11 mois :
1 – Pose de l’implant, de la grille, et de la greffe osseuse.
2 – A 5 mois dépose de la grille et greffe de conjonctif.
3 – A 4 mois, tissu punch et mise en fonction puis prothèse vissée de transition
4 – A 6 mois, réalisation de la prothèse d’usage par Dr Géraldine Fima Lilti
.
Discussion :
Plusieurs questions sont associées à la régénération osseuse guidée obtenue une grille en titane : quel est le devenir de la régénération en cas d’exposition plus ou moins rapide de la grille ? Quel pronostic avec l’association à une pose simultanée ou différée d’un implant ? Quelles quantité et qualité d’os régénéré?
L’utilisation d’une grille en titane dans la régénération osseuse va servir de barrière stable créant un espace sous -jacent pour la mise en place d’un biomatériau et empêcher la migration des cellules épithéliales et des fibroblastes dans le défaut osseux. Le biomatériau placé est ainsi stabilisé sous cette grille. Il sera inondé par le caillot sanguin, et va servir d’échafaudage pour les cellules ostéoprogénitrices, permettant leurs différenciations pour une néoformation osseuse.
L’une des complications principales liée à l’utilisation de ces grilles est l’exposition de ces dernières. La prévalence de ces complications varie selon les études entre 5,3% et 52%. Dans l’étude de Louis et al en 2008, 44 patients ont été traités par des grilles en titane ; ils observent 23 expositions avec seulement 1 cas qui a abouti à un échec de la greffe. Une courbe d'apprentissage est sans aucun doute liée à ce taux d'exposition.
Comparée aux autres techniques de régénération osseuse guidée (greffe osseuse en onlay ou régénération avec une membrane non résorbable), la grille en titane semble avoir une prévalence d’exposition supérieure aux membranes non résorbables. A la différence de ces dernières qui sont en e-PTFE, qui une fois exposées doivent être immédiatement déposées, les expositions de la grille en titane, dont la dépose n’est pas systématique, aura comme conséquence une résorption du volume de la greffe. Les études montrent que cela n’empêche généralement pas la mise en place de l’implant dans une position idéale et n’affecte pas le taux de survie de l’implant.
En ce qui concerne le volume osseux régénéré, les études cliniques à long terme ne montrent pas de différence significative entre la régénération obtenue par les membranes non résorbables et les grilles en titane. Quant aux greffes d’apposition en bloc (greffe en onlay), la prévalence de résorption du bloc greffé est bien supérieure. Se pose aussi la question de la stabilité du niveau osseux autour des cols implantaires ainsi que la morbidité liée au prélèvement d'os autogène.
La gestion des tissus mous pour recouvrir la grille est un facteur important en particulier dans les sites atrophiques et les sites régénérés verticalement. La proximité des insertions musculaires, la présence d'un périoste cicatriciel sont des facteurs qui influencent la mobilisation du lambeau et donc augmentent le risque de déhiscence de ce dernier et d’exposition de la grille et / ou de la membrane.
La littérature rapporte plusieurs techniques pour réduire le taux d'exposition de ces grilles, telle que l'application de plasma riche en plaquettes sur le maillage de la grille mais sans aucune preuve scientifique ou la création de grilles personnalisées utilisant la technologie CFAO afin de s'adapter parfaitement au site et de réduire le temps chirurgical d’ajustage et de modelage de cette dernière.
Bibliographie :
- Antoun H, Sitbon JM, Martinez H, Missika P. A prospective randomized study comparing two techniques of bone augmentation: onlay graft alone or associated with a membrane. Clinical oral implants research. 2001;12(6):632-639.
- Atwood DA. Bone Loss of Edentulous Alveolar Ridges. J Periodontol. 1979;50 Suppl 4S:11-21.
- Belser UC, Buser D, Hess D, Schmid B, Bernard JP, Lang NP. Aesthetic implant restorations in partially edentulous patients--a critical appraisal. Periodontol 2000. 1998;17:132-150.
- Buser D, Dula K, Hirt HP, Schenk RK. Lateral ridge augmentation using autografts and barrier membranes: a clinical study with 40 partially edentulous patients. J Oral Maxillofac Surg. 1996;54(4):420-432; discussion 432-423.
- Buser D, Martin W, Belser UC. Optimizing esthetics for implant restorations in the anterior maxilla: anatomic and surgical considerations. Int J Oral Maxillofac Implants. 2004;19 Suppl:43-61.
- Briguglio F, Falcomatà D, Marconcini S, Fiorillo L, Briguglio R, Farronato D. The Use of Titanium Mesh in Guided Bone Regeneration: A Systematic Review. Int J Dent. 2019;2019:9065423.
- Chapple ILC, Mealey BL, Van Dyke TE, et al. Periodontal health and gingival diseases and conditions on an intact and a reduced periodontium: Consensus report of workgroup 1 of the 2017 World Workshop on the Classification of Periodontal and Peri-Implant Diseases and Conditions. J Periodontol. 2018;89 Suppl 1:S74-s84.
- Ciocca L, Fantini M, De Crescenzio F, Corinaldesi G, Scotti R. Direct metal laser sintering (DMLS) of a customized titanium mesh for prosthetically guided bone regeneration of atrophic maxillary arches. Med Biol Eng Comput. 2011;49(11):1347-1352.
- Fontana F, Maschera E, Rocchietta I, Simion M. Clinical classification of complications in guided bone regeneration procedures by means of a nonresorbable membrane. Int J Periodontics Restorative Dent. 2011;31(3):265-273.
- Liébart M-FF-D, Caroline; Santini, Alain; Dillier, François-Laurent; Monnet-Corti, Virginie; Glise, Jean-Marc; Borghetti, Alain. Smile Line and Periodontium Visibility. Periodontal Practice Today. 2004;1(1):17.
- Louis PJ, Gutta R, Said-Al-Naief N, Bartolucci AA. Reconstruction of the maxilla and mandible with particulate bone graft and titanium mesh for implant placement. J Oral Maxillofac Surg. 2008;66(2):235-245.
- Roccuzzo M, Ramieri G, Spada MC, Bianchi SD, Berrone S. Vertical alveolar ridge augmentation by means of a titanium mesh and autogenous bone grafts. Clinical oral implants research. 2004;15(1):73-81
- Simion M, Fontana F, Rasperini G, Maiorana C. Long-term evaluation of osseointegrated implants placed in sites augmented with sinus floor elevation associated with vertical ridge augmentation: a retrospective study of 38 consecutive implants with 1- to 7-year follow-up. Int J Periodontics Restorative Dent. 2004;24(3):208-221.
- Tarnow DP, Cho SC, Wallace SS. The effect of inter-implant distance on the height of inter-implant bone crest. J Periodontol. 2000;71(4):546-549.
- Tavelli L, Barootchi S, Greenwell H, Wang HL. Is a soft tissue graft harvested from the maxillary tuberosity the approach of choice in an isolated site? J Periodontol. 2019;90(8):821-825.
- Torres J, Tamimi F, Alkhraisat MH, et al. Platelet-rich plasma may prevent titanium-mesh exposure in alveolar ridge augmentation with anorganic bovine bone. J Clin Periodontol. 2010;37(10):943-951.
- Stenport VF, Örtorp A, Thor A. Onlay and inlay bone grafts with platelet-rich plasma: histologic evaluations from human biopsies. J Oral Maxillofac Surg. 2011;69(4):1079-1085.
- Rocchietta I, Fontana F, Simion M. Clinical outcomes of vertical bone augmentation to enable dental implant placement: a systematic review. J Clin Periodontol. 2008;35(8 Suppl):203-215.