Le All-on-4® procédé d'une réhabilitation complète fixe implanto--portée à la mandibule 22 janvier 2018
Le All-on-4 ® procédé d'une réhabilitation complète fixe implanto-portée à la mandibule
Le concept de traitement All-on-4 ® (Nobel Biocare) dans le cadre d’une réhabilitation complète implanto-prothétique fixe au maxillaire et à la mandibule est devenue une thérapeutique validée scientifiquement et prescrite cliniquement.
Le protocole chirurgical All-on-4 ®, développé à la fin des années 90 par Paolo Malo, permet une réhabilitation simple et immédiate d’arcades complètes édentées avec 12 dents fixées sur 4 implants uniquement, avec une mise en charge immédiate, au plus tard dans les 24 heures qui suivent l’intervention.
Dans le cas clinique choisi pour ce numéro de la « Lettre de l’IFCIA », nous décrivons étape par étape le déroulement d’une réhabilitation de la mandibule par une prothèse fixe selon un protocole simple, précis, standardisé et rapide d’exécution permettant de restaurer les fonctions masticatrices et esthétiques de la patiente.
Anamnèse et examens radiologiques
Une patiente âgée de 85 ans, sans antécédents médicaux et sans contre-indications d’ordre général, consulte pour une réhabilitation fixe à la mandibule.
A l’observation clinique on note un bridge implanto-porté au maxillaire qui donne satisfaction à la patiente. A la mandibule, une prothèse amovible partielle intérpelle la patiente. L'espace prothétique est convenable sans perte de la DVO, celle-ci étant maintenue par les trois dents résiduelles: 34, 35 et 48. La crête édentée est fine et irrégulière, et le biotype parodontal est fin (Figures 1, 2, 3).
Figure 1 : La prothèse amovible mandibulaire face à une reconstruction implanto-portée maxillaire présente une instabilité permanente inconfortable pour la patiente. La stabilité des tissus mous maxillaires face à la fausse gencive, associée à un entretien régulier de la patiente nous encourage à lui proposer une reconstruction fixe implanto-portée à la mandibule.
Figure 2 : Malgré l’édentement subtotal, la DVO est maintenue grâce à la présence de 3 dents résiduelles. Le volume prothétique disponible associé au faible décalage antéro-postérieur des bases osseuses permet d'envisager un résultat prothétique final convenable.
Figure 3 : La crête édentée est fine mais de forme arrondie en demi-cercle. Cette géométrie est favorable pour une distance importante entre les implants antérieurs et postérieurs, constituant ainsi un polygone de sustentation large.
Les examens radiologiques, panoramique et cône beam, montrent des crêtes postérieures résorbées (classe IV de Cawood et Howell) et la présence d’une racine résiduelle en site de 33 (Figures 4, 5 et 6).
Figures 4, 5 et 6 : Malgré un volume osseux mandibulaire important sur la radiographie panoramique, le CBCT montre une résorption osseuse de classe 4 (Cawood et Howell 1988) secteur mandibulaire droit. Cette faible hauteur osseuse sera encore diminuée avec la régularisation osseuse nécessaire avant la pose des implants.
Décision thérapeutique et protocole opératoire :
La proposition d’une réhabilitation implanto-portée fixe à la mandibule par le procédé All-on-4® est retenue par la patiente.
Le protocole consistera en un montage pré-prothétique directeur qui sera validé esthétiquement et fonctionnellement en bouche préalablement à la phase chirurgicale. A l’issue de cet essai, la phase chirurgicale comprendra les extractions des dents 34, 35, 48 et la racine de 33 avec une pose simultanée de 4 implants dans la région symphysaire et un comblement des alvéoles d'extraction.
Pour la mise en charge immédiate une empreinte est prise juste après la chirurgie en utilisant le guide chirurgical comme porte-empreinte et en conservant la relation inter-maxillaire préalablement enregistrée. La prothèse transitoire implanto-portée en résine sera alors posée dans les 24 heures suivant l’intervention. Quant à la prothèse d’usage, dessinée et réalisée grâce à la CFAO (Procera Implant Bridge®, Nobel Biocare), elle sera composée d’une armature en titane et des dents en résine. Elle sera mise en place 3 à 6 mois plus tard.
Phase pré- prothétique :
Une analyse topographique incluant la forme de l’arcade, le volume osseux résiduel, les variations anatomiques, le support de la lèvre, les proportions dentaires et leurs positions est indispensable afin de calculer l’espace prothétique disponible et de prévisualiser l’esthétique finale. Le résultat de la combinaison de l’ensemble de ces éléments induira la mise en place d’une prothèse d’usage avec ou sans fausse gencive (Figures 7 et 8).
Figures 7 et 8 : Un nouveau montage prothétique directeur est préparé et validé esthétiquement et fonctionnellement. La distribution des dents est régulière et harmonieuse en continuité avec 34, 35 et 47 qui seront extraites. Les incisives sont placées légèrement devant la crête diminuant ainsi une projection antérieure en absence de décalage des bases osseuses.
Phase chirurgicale:
Rappelons les étapes de cette phase :
1- Extraction des dents résiduelles
2- Mise en place des implants
3- Connexion des piliers
4- Comblement des alvéoles
5- Connexion des transferts d’empreinte
6- Sutures
En un premier temps, après une anesthésie locale, ont lieu les extractions des dents résiduelles. Une incision crestale dans l’épaisseur de la gencive kératinisée prolongée par deux petites incisions de décharge dans les zones postérieures permet de dégager minutieusement les foramens mentonniers, entités anatomiques majeures dans cette zone. Deux implants sont insérés en place de 32 et 42. Ils sont distants de 12 mm. Ce sont les implants les plus antérieurs. La réunion de ces deux implants par une ligne imaginaire déterminera la limite antérieure du polygone de sustentation. L’étape suivante consiste en la mise en place des implants postérieurs dans le respect du couloir prothétique matérialisé par le guide. Ils sont inclinés distalement à 30° environ avec une émergence crestale au-dessus du foramen mentonnier. La réunion de ces deux implants par une ligne imaginaire déterminera la limite postérieure du polygone de sustentation. Cette position, respectant le protocole codifié de l’All-on-4®, permet d’élargir le polygone de sustentation et de réduire au maximum le cantilever prothétique. Afin d’éviter de fragiliser l’ensemble de cette structure, la longueur conseillée de cette extension ne doit pas dépasser 1,5 fois la distance antéro postérieure du polygone. Le torque chirurgical d’insertion de l’ensemble des implants avoisinant les 40 N.cm permet de serrer en toute sécurité des piliers MUA droits de 1,5 mm à 35 N.cm sur les implants antérieurs, et de 35N.cm aussi sur les piliers droits de 2,5 mm des implants postérieurs.
A ce stade, avant de fermer les sites à l’aide de sutures simples, on comble les alvéoles d’extraction avec du Bio-Oss® (Geistlich) et on connecte les transferts d’empreinte (Figures 9 et 10).
Figures 9 et 10 : Une incision crestale délicate en plein épaisseur de la gencive kératinisée permettra de faciliter la fermeture de la plaie. La régularisation de la crête, bien qu’elle ait diminuée la disponibilité de la hauteur osseuse, a permis de placer les implants sans greffe osseuse. Les transferts sont immédiatement placés pour la prise de l’empreinte et des sutures étanches sont réalisées.
Figure 11 : La radiographie panoramique post-opératoire permet de visualiser la répartition symétrique de part et d'autre de la suture symphysaire de 4 implants (Nobel Replace CC PMC de 4,3x13mm, Nobel Biocare). L'inclinaison à 15° environ seulement des implants postérieurs a permis d'utiliser des piliers droits de 2,5mm dans cette situation clinique.
Empreinte post-opératoire et mise en charge immédiate
Après réglage de la hauteur des tranferts d’empreinte afin d'éviter toute interférence avec la prothèse antagoniste pendant les enregistrements, l’interposition d’une feuille de digue au-dessus de la gencive permet de protéger les points de suture et d’éviter la fusée du produit d’enregistrement autour de la base des transferts. L’empreinte est prise en occlusion avec une résine bis-acryl en utilisant le guide chirurgical. En respectant les consignes de l’industriel quant à la durée de polymérisation, l’intérêt de l’utilisation de ce produit réside dans l’obtention d’une fixation rigide de la position des transferts et l’enregistrement du relief gingival post-opératoire. La prothèse préparée au laboratoire est posée en bouche le lendemain (Figures 12 à 14).
Figures 12 et 13 : L’empreinte est immédiatement prise avec le guide chirurgical qui est un duplicata en résine transparente du projet prothétique. Elle est réalisée en occlusion et avec une résine bis-acryl. On note la régularité des émergences des vis prothétiques au niveau des faces occlusales.
Figure 14 : La prothèse est soigneusement préparée au laboratoire (Laboratoire Stéphane HURTADO, Paris), puis posée en bouche le jour même ou maximum dans les 24 heures qui suivent la chirurgie. Un léger espacement au niveau de l’intrados peut être prévu à ce stade afin de faciliter l’hygiène et éviter la compression des tissus en voie de cicatrisation.
Phase prothétique : Prothèse d’usage implanto-portée transvissée :
A trois mois de la chirurgie, la prothèse provisoire est déposée et l’ostéo intégration des implants est vérifiée (figure 15). Une empreinte au plâtre est réalisée avec les transferts en place. Malgré la précision de cette technique, afin de minimiser les sources d’erreurs, une clé en plâtre validera cette étape.
Figure 15 : La prothèse transitoire est déposée. Les piliers droits sont revissés à 35 N.cm. La cicatrisation et maturation des tissus kératinisés ainsi que l'ostéointégration des implants sont vérifiées et validées. Une empreinte, au plâtre de préférence, est prise afin d'obtenir une position exacte des implants et assurer une armature passive.
Le montage esthétique confirmé à nouveau, la fabrication de l’armature en titane par CFAO peut débuter. Cette méthode d’usinage fournira une précision d’adaptation par rapport aux armatures coulées tout en garantissant d’excellentes propriétés bio-mécaniques.
La prothèse d’usage faite, il est impératif de vérifier la passivité de son insertion, des paramètres fonctionnels et esthétiques, conformément aux données du bridge provisoire. Si besoin, la stabilité occlusale est affinée en bouche (Figures 16, 17, 18).
L’ensemble de la démarche étant accompli et validé les vis de prothèse sont serrées à 15N.cm et les puits d’accès sont obturés avec un composite par-dessus des bandes en téflon. Un contrôle radiologique de référence est fait (Figure 19).
Figures 16, 17 et 18 : La prothèse d’usage réalisée grâce à la CFAO avec une armature Titane (PIB, Procera Implant Bridge, Nobel Biocare) et des dents en résine chargées préfabriquées. Elle est posée en bouche et l’occlusion est affinée. L’intégration harmonieuse est réussie. La restauration des fonctions masticatrice et esthétique donne entière satisfaction à la patiente (Prothèse Dr Richard Massihi, Laboratoire Stéphane Hurtado).
Figurer 19 : L’examen radiographique de référence montre une parfaite stabilité du niveau osseux. Au maxillaire les données actuelles nous orienteraient vers des reconstructions sur 4 à 6 implants.
Discussion :
La réhabilitation implanto-portée fixe à la mandibule avec 4 implants uniquement, le ALL-on 4®, par sa rusticité et son efficacité, est devenue une indication courante et fréquente. Les patients décontenancés et soucieux, en peu de séances et pour un coût raisonnable, retrouvent des fonctions, masticatrice, gustative, esthétique et phonétique souvent troublées. Cette approche, au-delà des réussites cliniques insolentes qu’elle affiche avec des taux de succès élevés relatés dans la littérature, repose sa justification scientifique en capitalisant sur des publications abondantes et cadencées (1, 2, 3, 4). Cependant, seuls l’excellence de la réflexion, l’étude en amont, le respect des protocoles codifiés, conduisent à un travail réussi et promptement mené à terme.
La contention assurée par une prothèse transitoire immédiate en reliant les implants répartis en polygone de sustentation le plus large possible, associée à une stabilité primaire élevée obtenue par un torque chirurgical d’insertion minimal de 35N.cm, et des micromouvements limités et de faibles intensités sans dépasser les 150µ autour des implants, favorisent la stabilité des contacts osseux et facilite l’ostéointégration. Le sous-forage des sites implantaires et l’utilisation des implants coniques à surface rugueuse permettent d’améliorer le processus de remaniement histologique post-opératoire (5, 6).
Dans les secteurs postérieurs mandibulaires, l’inclinaison des deux implants avec des émergences distales aboutie à l’évitement des foramens mentonniers. Les crêtes postérieures à ce niveau sont le plus souvent résorbées chez les patients avec des édentements anciens. Quant au maxillaire, l’utilisation de 4 à 6 implants dans la zone intersinusienne avec deux implants postérieurs également inclinés, légitime l’écartement des interventions de comblement sinusien.
L’inclinaison de ces implants autorise des cantilevers limités de 10 à 12 mm augmentant ainsi la longueur de l’arcade reconstituée à 12 dents pour les prothèses d’usage. Ces cantilevers sont déconseillés pour les prothèses transitoires de contention mises en charge immédiatement après la chirurgie.. La réaction osseuse autour de ces implants angulés et leur stabilité clinique, bien que parfois controversée, peut justifier leur utilisation dans le cadre d’une contention globale (7, 8, 9, 10).
Quant au choix du concept occlusal, à l’heure actuelle, il n’existe pas de consensus universel. Plusieurs facteurs doivent être retenus puisque les seuils de perception des contacts sont variables en fonction des antagonistes (11), on y cite la présence de dents naturelles, de dents implanto-portées, de prothèse adjointe totale. Pour certains auteurs des fonctions canines, voire des fonctions de groupe sont conseillées ; pour d’autres des occlusions balancées sont recommandées (12, 13, 14).
Conclusion
Le but principal d’une telle réhabilitation prothétique est la satisfaction de la patiente du point de vue fonctionnel et esthétique. Un projet pré-prothétique préalable est indispensable. Il sera déterminant dans le cheminement du plan de traitement.
L’expérience et l’entente de l’équipe chirurgico-prothétique associées à celles du prothésiste de laboratoire sont le gage de la réussite de ce type de thérapeutique.
Pour la stabilité et la longévité des résultats, le suivi de ces réhabilitations est nécessaire. La conception prothétique doit faciliter l’accès à une hygiène quotidienne efficace et sans contrainte pour le patient. Le praticien à son tour vérifie la stabilité de l’ostéointegration et de l’occlusion en éliminant tous les facteurs de risque qui peuvent subvenir ; la fréquence peut-être semestrielle ou annuelle, elle est adaptée au terrain du candidat (15).
L’application du concept All-on-4® a permis de traiter cette patiente âgée. Elle bénéficie ainsi de réhabilitation fixe selon son principal souhait. Le All-on-4® par sa fiabilité et sa simplicité permet d’éviter des reconstructions osseuses lourdes en réduisant ainsi le coût global du traitement. Le All-on-4®, bien maîtrisé, assure une exécution clinique rapide, avec peu de séances au cabinet.
Bibliographie:
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15 - Sojod B., Abillama T.M. La maintenance péri-implantaire, le fil dentaire,2013 Sept ;26 :26-29
Mots clés :
All-on-4®, esthétique, bridge fixe, implants inclinés, implants angulés, cantilever, extension prothétique, polygone de sustentation, prothèse transvissée, réhabilitation globale.