La régénération osseuse guidée (ROG) au service de la restauration implantaire incisive. 17 janvier 2017
La régénération osseuse guidée (ROG) au service de la restauration implantaire incisive.
La perte de l’organe dentaire génère régulièrement des résorptions osseuses largement étayées dans la presse scientifique et clinique. Afin d’optimiser les résultats tant sur le plan biomécanique qu’esthétique dans le secteur incisif, la reconstruction des pertes tissulaires s’imposent, tissus durs et tissus mous sont concernés.
Plusieurs techniques ont été développées et appliquées ; on y énumère les greffes osseuses, les régénérations osseuses guidées, les ostéotomies verticales et horizontales, les greffes de tissu conjonctif…, avec pour seul objectif le rapprochement de l’état initial et l’obtention de résultats satisfaisants, stables, et durables.
Nous verrons dans ce cas clinique la gestion d’un édentement incisif unitaire dans un secteur où l’esthétique du sourire est primordiale.
Anamnèse
Madame P., 26 ans, ne présentant aucune contre-indication d’ordre générale, consulte pour un motif esthétique dénaturant son sourire.
A l’âge de 7ans, suite à un accident, elle a perdu son incisive centrale, la 11. Sur plus de deux décennies les restaurations proposées ne l’ont pas satisfaite. Sa priorité est d’ordre esthétique.
Est-ce que nos technologies du 3ème millénaire peuvent répondre favorablement à sa requête ?
Examen clinique
A l’instar de l’observation exo-buccale qui note un visage type carbocalcique, carré, des proéminences massetérines largement visibles, et une ligne de symétrie du visage continue et régulière, on analysera avec minutie les composantes du sourire et la topographie du site à traiter. (Fig.1).
Figure 1 : La position de repos des lèvres ne laisse pas apparaitre les bords incisifs des centrales. Est-ce un choix volontaire de la patiente afin de dissimuler l’aspect inesthétique de la 11.
Le sourire spontané et discret de la patiente ne laisse apparaître au niveau maxillaire qu' une partie du volume dentaire. Le positionnement du bord libre de la lèvre supérieure couvre la gencive marginale en ne laissant visible que quelques pointes papillaires. Néanmoins il faut rester vigilant sur la quantité de de rose visible au maxillaire puisque selon les circonstances le dégagement gingivo-dentaire pourrait être plus important. Les incisives centrales, carrées de forme, sont en harmonie avec la forme du visage ; quant à la position et la dissymétrie apparente des incisives latérales, elles ne semblent pas affecter l’espace mésio-distale disponible pour la future prothèse implanto-portée. (Fig.2).
Figure 2 : La dyschromie apparente de la 11 souligne une nette rupture esthétique mal supportée par la patiente il est intéressant de noter que la ligne basse du sourire nous laisse une marge dans la restauration définitive au niveau de la 11. Cette marge est réduite au niveau mandibulaire si on avait un traitement à faire à ce niveau
La continuité des freins labiaux et de la ligne inter incisive est importante pour la beauté du résultat final ; elle jouxte un site muqueux effondré et modifié en volume. (Fig.3).
Figure 3 : La ligne de transition
entre la gencive et la muqueuse buccale est haute. Elle laisse apparaître
globalement une bande de gencive kératinisée suffisante pour la stabilité des
tissus gingivaux. Le biotype gingival dans ce type d’édentement est plutôt
favorable pour une reconstruction esthétique.
La perte précoce de la 11 a provoqué la disparition du procès alvéolaire. Le site restauré par un bridge maryland a cicatrisé avec un effondrement tridimensionnel colonisé par une muqueuse peu kératinisée et désagréable sur le plan colorimétrique. (Fig.4, 5, 6).
Figure 4, 5 et 6 : La concavité marqué au-delà du collet de la 11 nous oriente d'emblée vers le chois de la reconstruction du plan osseux alvéolaire. Sur la radio panoramique on observe une absence de perte osseuse aussi bien horizontale que verticale en corrélation avec une maladie parodontale.
L’examen de l’occlusion dynamique montre une fonction canine avec un guidage antérieur fonctionnel et l’absence d’interférences occlusales postérieures.
L’hygiène bucco-dentaire est correcte ; on note quelques restaurations dentaires sans développement de nouvelles lésions carieuses.
Examens complémentaires
Au niveau radiologique, sur le cône-beam, on remarque une perte de tissu osseux de type cratérisation; l’espace vestibulo-palatin est diminué. Le volume initial disponible est de 16.3mm en hauteur et 4.6mm en épaisseur. (Fig.7).
Figure 7 : Sur le CBCT, la coupe
coronale montre une quantité osseuse suffisante pour la mise en place d’un
implant malgré la présence de la
concavité vestibulaire.
Choix thérapeutique
Plusieurs possibilités s’offrent à nous pour restaurer ce type d’édentement. On peut citer la prothèse adjointe, la prothèse conjointe, et la solution implantaire qui trouve sa justification première dans cette situation. Elle est retenue par la patiente.
C’est une solution non mutilante, indépendante des autres dents et dont la pérennité et la longévité sont supérieures aux autres propositions dans un cadre d’hygiène et de suivi régulier.
Cependant, le réaménagement du site nécessite l’augmentation des tissus durs et mous. L’épaisseur osseuse sera corrigée avec une greffe osseuse extemporanée à la pose de l’implant. Une greffe gingivale avec du tissu conjonctif enfoui sera ensuite appliquée au 2ème temps implantaire afin de renforcer les tissus gingivaux et d’optimiser le rendu esthétique.
L’implant choisi est un implant Nobel Speedy RP (Nobel Biocare) dont les dimensions sont 4x13mm.
Temps chirurgical
Premier étape : pose de l’implant, ROG et temporisation.
Après une anesthésie locale, un lambeau est levé grâce à des incisions intra-sulculaires mésiale et distale reliées par une incision crestale. On évite toute incision de décharge afin de ne pas générer des lignes cicatricielles et diminuer les flux sanguins dans les artérioles terminales. Le forage implantaire est réalisé selon la séquence préconisée par le fabricant et adaptée à la densité osseuse. L’implant est posé avec une position optimale, c'est-à-dire légèrement décalé en palatin et incliné en mésial pour éviter le canal palatin. L’axe d’émergence est ainsi idéalisé, il facilitera la conception prothétique. (Fig.8)
.
Figure 8 : L’implant à connectique hexagonale externe sera placé légèrement en palatin en regard du cingulum incisif. Sa position lui assure d’emblée un recouvrement osseux périphérique.
Le défaut osseux crestal observé est illustré par une corticale osseuse résiduelle vestibulaire très fine. Ce défaut est corrigé en empruntant la technique de la régénération osseuse guidée avec une membrane armée en titane non résorbable (Gore-Tex) fixée à l’aide de clous en titane. La fonction essentielle de cette membrane est de maintenir et de protéger la xénogreffe déposée sur le site, granules de Bio-oss (Geistlich), de la compétition cellulaire muqueuse. Pour améliorer l’angiogenèse nécessaire à cette technique, des pertuis sont créés au niveau de la corticale. (Fig.9, 10).
Figure 9 et 10 : Les nombreux pertuis créés vont favoriser la migration des futures cellules osseuses. La concavité créée par la perte de la table vestibulaire est nettement visible. On remarque l’enfouissement total de la tête implantaire au-delà des septums osseux mésiaux et distaux. La présence de ces derniers est nécessaire pour le soutien des papilles évitant ainsi l’apparition de « trous noirs ».
Des points de sutures matelassiers horizontaux et discontinus ont permis de rapprocher les berges sans aucune tension après un aménagement muqueux et une dissection périostée du lambeau vestibulaire. (Fig.11).
Figure 11 : La coaptation conjonctif contre conjonctif créée par les points de sutures matelassiers horizontaux assurera une rapidement une étanchéité des tissus protégeant ainsi la membrane de toute invasion bactérienne.
La temporisation dans cette région esthétique est faite par un bridge de type Maryland scellé au CVI sur la 21. On vérifie l’absence de toute compression de la zone opérée par la prothèse; ceci pourrait diminuer la quantité osseuse régénérée. (Fig.12).
Figure 12 : Le bridge collé est conçu pour n’exercer aucune pression sur le site opéré. La patiente peut ainsi maintenir un niveau d’hygiène optimale évitant toute inflammation tissulaire.
Deuxième étape : Mise en fonction avec pose du pilier de cicatrisation et greffe de tissu conjonctif.
Six mois plus tard, à la mise en fonction, l’ostéointégration de l’implant est achevée. On soulève un lambeau (incisons crestale, intrasulculaires mésiale et distale) pour déposer la membrane. La régénération est réussie, les objectifs d’augmentation osseuse sont atteints. Les spires sont entièrement noyées dans de l’os néoformé. Le gain s’est fait dans le sens de l’épaisseur (VL) et de la hauteur. (Fig.13, 14, 15, 16).
Figure 13, 14,15, 16 : A la réouverture du site pour la dépose de la membrane, on observe un gain osseux considérable reconstituant en excès le procès alvéolaire perdu initialement. L’implant est complètement recouvert d’os néoformé.
Un pilier de cicatrisation RP 5x3 mm est utilisé pour remplacer la vis de couverture. Une greffe de conjonctif enfoui est réalisée afin d’optimiser le résultat esthétique et de renforcer les tissus parodontaux. (Fig.17).
Figure 17 : Une greffe
conjonctive prise au palais va participer à la stabilisation du biotype
gingivale. Elle contribue au repositionnement des tissus mous en continuité
avec les dents adjacentes.
Temps prothétique :
Figure 19 : L’épaisseur vestibulaire des tissus gingivaux exempte de toute inflammation assurera une opacité et une émergence esthétique de la prothèse d’usage. Le formatage alvéolaire a permis d’obtenir une forme triangulaire correspondante à la morphologie radiculaire des incisives centrales.
L’empreinte définitive est ensuite prise et la couronne définitive est scellée sur un pilier en zircone. (Fig. 20, 21, 22).
Figure 20, 21 et 22: L'empreinte à ciel ouvert avec enregistrement de la forme du berceau gingival assurera la transmission des données au prothèsiste pour la conception de la prothèse d'usage. La maturation des tissus guidée par les points de contact engagera les papilles vers remplissage total des embrasures.
Un suivi régulier annuel est mis en place. Aucune complication n’est notée à ce jour. Le niveau osseux est stable à 6 ans. (Fig. 23, 24).
Figure 23, 24 : La comparaison
des clichés rétro-alvéolaires juste après la pose de la dent d’usage et à 6 ans
montre une stabilité du niveau osseux satisfaisante.
Discussion
Rappelons que les principes de base de la régénération osseuse guidée, ROG, sont :- Histocompatibilité,
- Exclusion de cellules muqueuses de la compétition cellulaire,
- Maintien de l’espace cicatriciel,
- Stabilité précoce du caillot,
- Ostéoconduction.
Mots clés :
ROG, Résorption osseuse, Membrane non résorbable, Esthétique secteur incisif, Greffe osseuse, Régénérations osseuses guidées, Greffes de tissu conjonctif, Reconstruction des pertes tissulaires, Membrane Gore-Tex, Couronne provisoire transvissée, Plate Form Switch
Lectures conseillées :
Danesh-Sani SA, Tarnow D, Yip JK, Mojaver R. The influence of cortical bone perforation on guided bone regeneration in humans. Int J Oral Maxillofac Surg. 2016 Nov 16
Antoun H, Sitbon JM, Martinez H, Missika P. A prospective randomized study comparing two techniques of bone augmentation: onlay graft alone or associated with a membrane. Clin Oral Implants Res 2001;12:632-9.
Naenni N, Schneider D, Jung RE, Hüsler J, Hämmerle CH, Thoma DS.. Randomized clinical study assessing two membranes for guided bone regeneration of peri-implant bone defects: clinical and histological outcomes at 6 months. Clin Oral Implants Res. 2016 Sep 23.
Jensen S, Terheyden H. Bone augmentation procedures in localized defects in the alveolar ridge: clinical results with different bone grafts and bone-substitute materials. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24(suppl):218-236.