Extraction implantation, mise en esthétique immédiate et régénération osseuse guidée simultanées 15 janvier 2016
Extraction implantation, mise en esthétique immédiate et régénération osseuse guidée simultanées
La réhabilitation implanto-portée est considérée de nos jours comme une technique fiable et prédictible. Initialement l’enfouissement de l’implant était une condition sine qua non pour assurer l'ostéointégration. Par la suite, de nombreuses études ont démontré que l'on peut obtenir cet état d'ostéointégration sans un enfouissement total simplifiant ainsi le protocole opératoire.
L’application de nouvelles technologies aux implants aussi bien au niveau de l'état de surface que la conception architecturale ont permis de raccourcir encore plus le temps de traitement et d'envisager, dans certains cas, la pose d’une prothèse fixe provisoire immédiate.
Les évolutions des protocoles post-opératoires vers une mise en charge et une mise en esthétique immédiate ont offert un confort et une satisfaction aux patients tant sur le plan esthétique que fonctionnel. Le recours à la prothèse amovible souvent mal acceptée par les patients n'est plus indispensable dans certaines situations cliniques.
Anamnèse
Une patiente âgée de 58 ans en bonne santé générale, ne fumant pas, est adressée au cabinet pour un avis de traitement implanto-portée au niveau de 24 et 25.
Examen Clinique
A l’examen clinique exobuccal, on abserve une répartition harmonieuse des étages de la face, l’absence de pathologie au niveau des ATMs, une DVO bien tolérée et une occlusion stable (Fig. 1).
Figure 1 : Vue de face sur laquelle on peut noter l’absence de perlèches ou de plis inter-commissuraux signes d’une DVO correcte.
L’examen endobuccal montre un état d'hygiène acceptable, une perte d'attache avancée au niveau des secteurs molaires maxillaires et l'absence des dents n°37 et 47; Aucune carie n'est detectée. (Fig. 2 a à c).
Figure 2 a à c : Vues cliniques initiales où on note la présence de couronnes infiltrées au niveau des 24 et 25, la gencive périphérique est inflammatoire et la teinte est inadéquate.
On note l’existence de traitement implanto-portés au niveau des 11, 21, 36 et 46. Les couronnes sont bien ajustées avec une muqueuse périimplantaire saine et harmonieuse.
L’observation des dents n°24 et 25 montre des couronnes infiltrées, une gencive inflammatoire, rétractée et associée à sondage profond de 6 à 8 mm au niveau de la 24.
L’espace mésio-distal de 15 mm, la hauteur inter-arcade de 9mm procurent de bonnes conditions pour envisager une solution implantaire.
L’examen radiologique
L’orthopantomogramme (Fig 3) montre une lyse osseuse horizontale généralisée au tiers moyen des racines et plus accentuée au niveau des molaires maxillaires. Le diagnostic d’une parodontite chronique généralisée modérée et sévère sur les secteurs molaires maxillaires est posé.
Figure 3 : Panoramique dentaire sur lequel on note une lyse horizontale généralisée, l’absence de 37 et 47 et des restaurations implantos-portées
Les traitements implantaires sont bien intégrés. Les niveaux osseux proximaux sont optimaux sauf au niveau de l’implant en position de la 36 où on note une image lacunaire ne mettant en cause la survie de l’implant en l'absence de signes cliniques et de part aussi la stabilité de ce remodelage osseux.
Au niveau de la 24, futur site implantaire, il existe une lyse osseuse circonférentielle importante associée à une résorption radiculaire, probablement résultat d’une lésion endo-parodontale. Sur la 25 on note une lyse osseuse horizontale au niveau du tiers moyen, un espace ligamentaire élargi et une couronne infiltrée (Fig. 4).
Figure 4 : Radiographie rétro-alvéolaire montrant le niveau d’atteinte sur les dents n° 24 et 25. Il existe une lyse osseuse sévère en distale de la 26. Cliniquement on note l’absence de mobilité de 26 et 27.
Sur l’examen CBCT maxillaire, le volume osseux résiduel est satisfaisant sur les deux sites concernés malgré la perte osseuse vestibulaire de la 24, rendant ainsi possible l’option de l’extraction–implantation immédiate en réalisant une régénération osseuse guidée (ROG) complémentaire (Fig. 5 a et b).
Figure 5 a et b: L’examen CBCT montre sur le site de 24 la quasi-disparition de la paroi vestibulaire. Autour de la 25 les tables osseuses sont préservées. Les volumes osseux disponibles sont respectivement de 6,73x14,18 mm pour la 24 et 8,59x11,19 mm pour la 25.
Plan de traitement
Il a été décidé d’extraire les 24 et 25 et de poser deux implants immédiats associé à une ROG.
Pour répondre à l’exigence esthétique de la patiente on s’orientera vers un moyen de temporisation fixe et immédiat en fonction de la stabilité primaire obtenue.
Etape chirurgicale
Une incision intra-sulculaire complétée d’une incision de décharge mésiale est réalisée permettant de décoller un lambeau de pleine épaisseur afin de visualiser la perte osseuse en vestibulaire. Les extractions sont opérées délicatement pour préserver au mieux la corticale vestibulaire résiduelle. Les alvéoles dentaires sont soigneusement nettoyées et irriguées à la bétadine. Le forage est ensuite réalisé selon un protocole classique dans le couloir prothétique légèrement déporté en palatin. Deux implants sont posés (Fig. 6) ;
Figure 6 : Vue opératoire montrant deux implants NobelActive (Nobel Biocare) en place avec un défaut en vestibulaire de la 24 et un cratère autour de l’implant en 25.
24: NobelActive RP 4,3X13 avec un couple d’insertion final de 45 N.cm
25: NobelActive RP 4,3x11,5 avec un couple d’insertion final de 45 N.cm
Deux piliers coniques Multi Unit Abutment (Nobel Biocare) de 1,5mm de hauteur (MUA) serrés à 35 N.cm et deux composants provisoires sont posés à ce stade de l’intervention.
Le cratère créé entre l'implant et la corticale externe ainsi que la déhiscence vestibulaire sont comblés à l’aide de 0 ,5g d’hydroxyapatite d’origine bovine (Bio-Oss® grains fins, Geistlich) (Fig. 7).
Figure 7: Mise en place des piliers MUA ainsi que les composants provisoires rotationnels. Le comblement du cratère péri-implantaire et le recouvrement des spires exposées est assuré par du Bio-Oss® (Geistlich).
Une membrane résorbable est ensuite placée pour maintenir le matériau et guider la régénération osseuse de la partie crestale perdue de la table vestibulaire (Fig. 8). Celle-ci est suturée côté palatin.
Figure 8: Mise en place d’ une membrane collagénique permettant de recouvrir et maintenir le biomatériau.
Pour finir, des points de sutures discontinus et sans tension sont réalisés pour fermer les berges de la plaie à l’aide d’un fil Velosorb 5/0 résorbable (IPP Pharma). L’incision de décharge est suturée avec un fil Velosorb 6/0 résorbable pour un meilleur aspect cicatriciel.
Une radiographie post-opératoire de contrôle est réalisée (Fig. 9).
Figure 9: Radiographie rétro-alvéolaire postopératoire avec les piliers et les composants provisoires en place.
La temporisation immédiate
L’étape de la temporisation suit immédiatement l’étape chirurgicale.
Les couronnes issues d’un auto-moulage sont vidées et rebasées sur les composants provisoires (Fig.10 a et b).
Figure10 a et b : Vues cliniques vestibulaire et occlusale du rebasage des couronnes sur les composants provisoires.
La sculpture du profil d’émergence est réalisée en "tulipe" par ajout progressif de résine en dehors de la bouche. L’ensemble est ensuite dégrossi et minutieusement poli (Fig.11 a et b).
Figure 11a et b : Les couronnes provisoires ainsi rebasées sont déposées, de la résine rajoutée puis polie.
Les restaurations provisoires solidarisées sont transvissées à15N.cm sur les piliers MUA et mises en sous occlusion statique et dynamique (Fig.12).
Figure 12: Vue clinique des couronnes provisoires transvissées sur les piliers prothétiques coniques.
Etape prothétique
La prothèse définitive est entamée 4 mois après la chirurgie et après avoir validé l’intégration des implants.
Une empreinte Pick-up (Fig 13) est réalisée à l’aide d’un porte empreinte individuel issu d’une empreinte primaire en utilisant un polyéther (Impregum™).
Figure 13: Radiographie rétro-alvéolaire permettant de vérifier la position des transferts d’empreinte. Noter la stabilité osseuse proximale 4 mois après la mise en esthétique immédiate.
Une clé en plâtre, bien que pas toujours indispensable pour uniquement deux implants adjacents, permet de valider la précision de l’empreinte et de la coulée du plâtre (Fig. 14 a à d).
Figure 14 a et b: Vues vestibulaire et palatine de la clé en plâtre réalisée sur le modèle de travail.
Figure14 c et d: Les transferts surmontés de la clé en plâtre sont repositionnés sur les piliers permettant de valider l’empreinte.
La teinte est ensuite choisie et validée par la patiente (Fig15).
Figure 15: Le choix de le teinte est fait puis validé par la patiente pour être transmise ensuite au laboratoire de prothèse.
Deux couronnes céramo-métalliques solidarisées et passives ainsi obtenues sont transvissées sur les piliers puis serrées à 15 N.cm. L’occlusion est contrôlée (Fig.16 a et b).
Figure 16 a et b : Vue clinique de la restauration prothétique terminée et du sourire, noter son intégration esthétique ainsi que le maintien du galbé vestibulaire en regard des deux implants.
Un suivi radiographie et clinique de contrôle est conseillé une fois par an (Fig.17).
Figure 17: Radiographie rétro-alvéolaire de contrôle montrant une stabilité osseuse autour des implants à 1 an.
Discussion
Le protocole d’extraction implantation et temporisation immédiate est proposé pour réduire le nombre d’interventions et la durée du traitement. Il allie l’ostéointégration, le modelage du profil d’émergence, et le confort du patient.
Cette approche chirurgicale avancée et sensible, de plus en plus préscrite, est validée scientifiquement et cliniquement. Elle nécessite une expérience chirurgicale afin de s’adapter aux conditions anatomiques per-opératoires et assurer ainsi les conditions optimales de succès et de réussite. L’observance rapprochée étant la règle durant la phase de cicatrisation
Le facteur primordial pour la réussite de ce type de traitement est la stabilité primaire de l’implant. Celle-ci doit permettre de résister aux micromouvements provoqués par le bol alimentaire, la langue et les joues.
Il n’existe pas à ce jour de consensus concernant la valeur du torque chirurgical minimal d’insertion à appliquer, les études oscillants entre 35 et 80 N.cm. Dans notre pratique, nous admettons qu’à partir de 30-35N.cm il est possible de mettre en esthétique les implants.
Enfin, la ROG associée à la mise en esthétique immédiate semble donner des résultats satisfaisants en particulier quand le défaut osseux ne sort pas de l’enveloppe osseuse.
Mots-clés: Implant dentaire, régénération osseuse guidée, extraction implantation immédiate, mise en esthétique immédiate
Lectures conseillées
Capelli, M., Esposito, M., Zuffetti, F., Galli, F., Del Fabbro, M. & Testori, T. A 5-year report from a multicentre randomised clinical trial: immediate non-occlusal versus early loading of dental implants in partially edentulous patients. European Journal of Oral Implantology 2010; 3: 209–219.
Grandi, T., Garuti, G., Samarani, R., Guazzi, P. & Forabosco, A. Immediate loading of single post-extractive implants in the anterior maxilla: 12-month results from a multicenter clinical study. Journal of Oral Implantology 2012; 38 Spec No: 477–484.
Sanz-S_anchez I, Sanz-Mart_ın I, Figuero E, Sanz M. Clinical efficacy of immediate implantloading protocols compared to conventional loading depending on the type of the restoration: a systematic review. Clin. Oral Impl. Res.2015; 26 ,964–982.
Les auteurs
Dorra Dey Daly
Docteur en chirurgie dentaire,
DU de chirurgie et prothèse implantologique
Université Paris V
Michel Karouni
Docteur en chirurgie dentaire,
CES en parodontologie et prothèse fixée,
Université Paris 7
Hadi Antoun
Exercice privé limité à l'implantologie et la parodontologie
Paris, Fondateur de l'IFCIA.