L’ostéotomie segmentaire horizontale. Quand et comment ? 8 mars 2014
Le cas clinique
État général
- Il s’agit d’une femme de 68 ans, adressée par son praticien traitant dans l’objectif de pallier l’inconfort généré par le port d’une prothèse amovible partielle, à travers une solution implantaire.
- Non fumeuse et ne présentant aucun antécédent médical ni chirurgical.
Mai 2011
Examen clinique et radiographique, décision thérapeutique
- Hygiène buccale défectueuse (Fig. 1).
- L’édentement maxillaire postérieur libre bilatéral est compensé par une prothèse amovible partielle sur attachements axiaux.
- L’espace prothétique est convenable, de même que l’ouverture buccale de la patiente.
Fig. 1 : À noter une inflammation gingivale associée à la présence de plaque et de tartre ainsi que la présence d’un édentement maxillaire postérieur bilatéral libre.
- L’espace prothétique est convenable, de même que l’ouverture buccale de la patiente.
- Les lésions radiologiques parodontales osseuses angulaires localisées ainsi que la présence généralisée de tartre sous gingival (Fig. 2), nous renvoient vers une thérapeutique parodontale initiale (DSR) et un renforcement des techniques d’hygiène puis une réévaluation préalablement à toute thérapeutique implantaire.
Fig. 2 : Couronnes céramo-métalliques (CCM) solidarisées de 13 à 23 puis absence de 35, 32, 31, 41, 42 et 46 restaurées par des bridges entre 36 et 44 et entre 45 et 47 avec une couronne en or sur la 37.
- Au vu des volumes osseux maxillaires résiduels réduits, une approche en deux temps est envisagée avec greffe osseuse des 2 sinus maxillaires.
- Le déficit osseux horizontal en regard des implants 14 et 15 sera géré par une ostéotomie segmentaire horizontale simultanément à la mise en place des implants (Fig. 3).
Fig. 3a
Fig. 3b
Fig. 3a & 3b : La pneumatisation importante des sinus maxillaires, associée à une faible hauteur osseuse résiduelle contre-indique une mise en place des implants simultanée aux greffes sinusiennes.
Janvier 2012
1ère Intervention (Fig 4 et 5)
- Une greffe de sinus bilatérale est réalisée sans mise en place d’implants.
- Un lambeau de pleine épaisseur est récliné.
- L’ouverture de la fenêtre est initiée à la fraise boule tungstène et achevée à la fraise boule diamantée.
Fig. 4 : Le décollement de la membrane sinusienne est suivi d’un comblement au Bio-Oss® dont la faible résorption permet de maintenir l’espace entre la membrane sinusienne et le plancher du sinus pendant la phase de cicatrisation.
- Après décollement de la membrane sinusienne, un comblement avec du Bio-Oss® (Geistlich) à fine granulométrie est réalisé.
- L’ensemble est recouvert d’une membrane en collagène résorbable Bio-Gide® (Geistlich).
- Des sutures hermétiques sont réalisées et une période de cicatrisation de 6 mois est observée pour permettre une ossification suffisante à la mise en place des implants.
Fig. 5 : L’interposition d’une membrane collagénique Bio-Gide® entre le lambeau et le matériau de comblement permet d’éviter la fibrose superficielle de ce dernier.
Mai 2012
Contrôle radiologique de la cicatrisation (Fig 6)
- A 5 mois, on note un bon maintien du matériau de comblement. Les volumes osseux générés permettent de poser dans de bonnes conditions les quatre implants prévus en 24, 25, 26 et 16.
Fig. 6a & 6b : À noter la largeur osseuse réduite (3 à 4 mm) en regard des sites 14/15 dont l’architecture permet une mise en place implantaire associée à une expansion.
- Le défaut d’épaisseur de crête en regard des sites 14/15 sera géré par une ostéotomie segmentaire horizontale avec mise en place simultanée des implants.
Fig. 6b
Juin 2012
2ème intervention (Fig 7 à 9)
- La mise en place des implants 24, 25, 26 et 16 est réalisée de manière standard avec une stabilité primaire des implants à 35 Ncm.
- Un lambeau de pleine épaisseur trapézoïdale à base large, potentialisant ainsi la revascularisation est soulevé.
Fig. 7 : La libération du volet vestibulaire se fait à l’aide d’une ostéotomie crestale profonde associée à une ostéotomie verticale mésiale et d’un insert piézo-électrique (Mectron®, IPP Pharma). Il sera maintenu pédiculé à sa base et en distal lors de son clivage.
- Un jeu d’ostéotomies permet de libérer le volet osseux vestibulaire tout en le maintenant pédiculé sur sa base.
- Ce dernier sera clivé à l’aide d’un ciseau à os et d'un maillet.
- Le forage préalable dans l’espace médullaire ainsi généré permet souvent le positionnement des implants avec une stabilité primaire sommaire assurée uniquement par les spires apicales.
- Cette dernière sera majorée par la fixation du volet vestibulaire contre les implants à l’aide de vis d’ostéosynthèse transcorticale.
Fig. 8 : Mise en place des implants puis fixation du volet vestibulaire avec la corticale palatine à l’aide d’une vis transcorticale d’ostéosynthèse de 1.2x10mm.
Site : 14, Nobel Replace Tapered Groovy, NP 3.5 x 13 mm
Site : 15, Nobel Replace Tapered Groovy, RP 4.3 x 13 mm
Site : 16, Nobel Replace Tapered Groovy, WP 5 x 13 mm
- Un substitut osseux est utilisé pour combler l’espace inter-implantaire, il sera aussi interposé en vestibulaire du volet osseux et recouvert d’une membrane collagénique résorbable.
- Après relaxation tissulaire, les implants seront enfouis sous des sutures hermétiques.
Fig. 9 : L’utilisation de particules de substitution osseuse d’origine bovine dans les espaces inter-implantaires et en vestibulaire du volet osseux associée à une membrane résorbable à double couche collagénique d’origine porcine semble essentielle au maintien de ce volume augmenté.
Décembre 2012
Mise en fonction (Fig. 10)
- La réouverture après cicatrisation permet d’apprécier la qualité d’ossification du biomatériau interposé entre les corticales ainsi qu’en vestibulaire.
- La vis d’ostéosynthèse immergée dans l’os néoformé n’est pas retirée au risque de réséquer une quantité importante de la table vestibulaire pour y accéder.
Fig. 10 : L’ossification importante du biomatériau en vestibulaire est le signe d’une angiogenèse rapide générée par l’ouverture des espaces médullaires et d’une précipitation rapide des médiateurs chimiques.
Janvier 2013
(Fig 11 et 12)
- Une empreinte de positionnement est réalisée sur les implants puis des couronnes d’usage solidarisées en céramo-céramique sont transvissées en direct implants.
- Les chapes sont en zircone, réalisées par CFAO (système Procera® – Nobel Biocare).
Fig. 11 : Couronnes céramo-céramiques solidarisées transvissées sur implants (Prothèse Dr Pierre Cherfane, Laboratoire IDM M. Guillaume Lecardonnel).
Fig. 12 : Contrôle radiographique à 12 mois après la mise en charge des implants montrant une stabilité du niveau osseux autour de l’ensemble des implants.
Discussion
L’ostéotomie segmentaire horizontale est une technique d’expansion osseuse qui fait intervenir un mécanisme de cicatrisation de type fracture. Elle a pour intérêt de permettre une mise en place simultanée des implants et une exploitation rapide de ces derniers (4 mois dans certaines situations).
L’exploitation de l’élasticité osseuse permet des augmentations allant jusqu'à 7 mm d’épaisseur. Cette technique est basée sur la maîtrise et le guidage de la fracture, puis du clivage du versant vestibulaire tout en le maintenant pédiculé à sa base.
Un trait de corticotomie basale facilite la mobilisation du volet vestibulaire tout en le maintenant pédiculé. Comme pour les fractures, la stabilisation du volet vestibulaire est primordiale pendant la phase de cicatrisation.
Bien qu’il existe relativement peu d’études dans la littérature et peu de recul concernant ces techniques de corticotomies, ces dernières restent toutefois considérées comme relativement peu invasives comparées aux greffes d’apposition. L’espace médullaire généré peut théoriquement ne pas être comblé mais la mise en place d’un biomatériau devrait éviter l’invagination des tissus mous. L’interposition d’un matériau peu résorbable tel l’hydroxyapatite d’origine bovine recouverte d’une membrane collagénique résorbable associée à l’absence de compression osseuse semblent cliniquement limiter la résorption lors de la phase de cicatrisation.
Les complications peropératoires de cette approche restent la fracture du volet vestibulaire et l’impossibilité de maintenir l’implant stable selon un axe idéal, auxquels cas la mise en place de l’implant sera différée dans le temps. Les limites de cette technique restent encore l’édentement unitaire encastré de petite étendue ainsi que les crêtes dont l’axe de clivage est incompatible avec le projet prothétique.
Lectures conseillées
Chiapasco M, Casentini P, Zaniboni M. Bone augmentation procedures in implant dentistry. Int J Oral Maxillofac Implants. 2009;24 Suppl:237-59.
Bravi F, Bruschi GB, Ferrini F. A 10-year multicenter retrospective clinical study of 1715 implants placed with the edentulous ridge expansion technique. Int J Periodontics Restorative Dent. 2007;27:557-65.
Les auteurs
Hadi Antoun
Exercice privé limité à l'implantologie et la parodontologie, Paris.
Fondateur de l'IFCIA.
Riyadh Bendimerad
Docteur en chirurgie dentaire
Assistant associé, DU d’implantologie chirurgicale et prothétique et DU de prothèse implanto-portée, Paris 7
Attaché à l'hôpital Rothschild, Paris 7