Traitement chirugical de récessions multiples par la technique du tunnel 4 avril 2014
L’exposition de la surface radiculaire est le plus souvent associée à des problèmes esthétiques, d’hypersensibilité radiculaire et à la difficulté de maintenir une hygiène bucco-dentaire optimale.
Malgré les controverses existantes dans la littérature scientifique sur la quantité minimale suffisante et l’épaisseur du tissu kératinisé nécessaire à assurer la stabilité marginale sur le long terme du contour des tissus marginaux, le biotype fin est considéré comme un des plus importants facteurs anatomiques associé aux récessions gingivales.
Par conséquent, la plupart des procédures de recouvrement radiculaire n’ont pas seulement comme objectif de recouvrir complètement (RC) la surface exposée et d'obtenir un fondu tissulaire, mais vise également à obtenir une augmentation de l’épaisseur des tissus pour améliorer la stabilité des résultats à long terme.
Récemment, de nouvelles techniques ont été proposées pour le traitement chirurgical de récessions gingivales multiples. Ces techniques sont principalement issues de celle du lambeau déplacé coronairement (Zucchelli & De Sanctis 2000) pratiquant l’enveloppe suprapériostée combinée à un greffon de tissu conjonctif enfoui (Allen 1994a) ou son évolution, à savoir la technique de tunnélisation (Azzi & Etienne 1998, Zabalegui et al. 1999, Tozum & Dini 2003).
Le cas clinique
Au travers d’un cas clinique, nous allons décrire la technique du tunnel modifiée par Azzi et Etienne en 1998 pour le traitement de récessions multiples (Fig.1)
Fig.1 Récessions multiples maxillaire supérieur. Vue clinique pré-opératoire
- Le patient candidat à ce type d’intervention doit être exempt de toute maladie parodontale, être en bon état général et présenter un contrôle de plaque < à 20%.
- Après anesthésie locale, toutes les surfaces radiculaires concernées sont minutieusement surfacées avec des curettes de Gracey (Fig.2).
Fig.2 Récessions multiples maxillaire supérieur droit. Vue clinique pré-opératoire
- La première incision est faite de manière intrasulculaire avec un instrument de microchirurgie spécifique appelé « tunneling knife ». Il s’agit d’un microbistouri droit ou courbé permettant une dissection muco-périostée (Fig.3).
Fig.3 Préparation du tunnel
- Cette dissection s’étend au delà de la ligne muco-gingivale et sous chaque papille. En d’autres mots, toutes les papilles seront tunnélisées afin de pouvoir glisser le greffon (Fig.4) et déplacer le lambeau en direction coronaire. Les fibres musculaires sont gentiment disséquées dans la partie interne du lambeau
Fig.4 Vue clinique du greffon conjonctif à enfouir sous le tunnel.
- Ce geste permet d’obtenir un lambeau sans tension pouvant être placé dans une position coronaire. (Fig. 5, 6).
La préparation du site donneur est réalisée après celle du site receveur. Deux techniques de prélèvement de conjonctif peuvent être utilisées.
Fig.5 Positionnement et stabilisation coronaire du complexe tunnel et tissu conjonctif TC
- Une incision horizontale palatine placée entre la canine et la racine mésiale de la deuxième molaire permet, sans incision de décharge externe, de prélever un greffon conjonctif (Hurzeler 1999).
Fig.6 Sutures suspendues stabilisant le complexe (tunnel+TC) maxillaire droit et gauche
- L’autre technique utilisée est celle du distale wedge. Chaque fois que, dans la région rétromolaire maxillaire, du tissu conjonctif est disponible en quantité suffisante, il est possible d'y effectuer un prélèvement. Ici, le tissu conjonctif est très dense (Azzi et Etienne 1998).
Fig.7 Cicatrisation à 1 mois
- Deux incisions parallèles sont réalisées dans la tubérosité, l’incision palatine est prolongée jusqu’à la partie mésiale de la deuxième ou première molaire en fonction de la quantité de tissu nécessaire. Quelle que soit la technique utilisée, nous obtenons une quantité adéquate de tissu conjonctif dont l’épaisseur ne dépasse pas 1-1,5 mm.
Fig.8 Cicatrisation à 3 mois
- Immédiatement après le prélèvement, une pression est appliquée sur le site donneur pour assurer une première hémostase. Si le prélèvement est fait avec la technique d’incision simple, le site est suturé selon la technique décrite par Borghetti (2000). Sur la tubérosité, le site est fermé par des sutures matelassiers horizontales croisées.
Fig.9 Cicatrisation à 12 mois
- Sur le site receveur, le greffon est ensuite inséré à l’aide des sutures (Allen 1994). L’aiguille est introduite à l’extrémité du lambeau, de l’extérieur vers l’intérieur, ce qui permet de passer le fil sous les papilles. Par la suite, le greffon est saisi avec un point matelassier vertical, glissé sous le tunnel en le guidant avec l’aiguille puis enfin dans le tunnel à partir de la récession plus large facilitant son positionnement.
Fig.10. Cicatrisation à 12 mois, maxillaire droit et gauche
- Le complexe lambeau et greffe est alors amené et maintenu en position coronaire avec des sutures suspendues autour des points de contact (Fig.5,6). Ces derniers sont fermés avec un composite fluide ou bien du super bond sans réaliser un etching au préalable afin de pouvoir les déposer facilement avec les sutures.
- L’ablation des sutures se fait à 15 jours. Il est demandé au patient de ne réaliser de bains de bouche que 24 heures après l'intervention et de ne reprendre le brossage sur la partie opérée qu'après la dépose des sutures.
Discussion
L’avantage de cette technique réside dans le fait que l’on obtient une stabilité du bord marginal de la gencive dès le premier mois (Fig.7). Des études ont montré que cette stabilité peut être maintenue sur le long terme (Aroca et al. 2010, 2013) (Fig.8 à 10).
Malgré les résultats prometteurs que l’on observe avec cette technique, on ne peut pas affirmer que tous les cas de récessions multiples peuvent être traités avec ce procédé. Cependant, il a été démontré dans la littérature que c’est la seule technique qui donne des résultats prévisibles pour le traitement des classe III de Miller. A l’heure actuelle, il n’existe pas dans la littérature d'études comparatives entre la technique du tunnel et celle du lambeau déplacé coronairement (modifié) pour le traitement des récessions multiples.
Lectures conseillées
ALLEN, AL.Use of the supraperiosteal envelope in soft tissue grafting for root coverage. I. Rationale and technique. Int J Periodontics Restorative Dent. 1994; 14 : 216-27.
AROCA, S., KEGLEVICH, T., NIKOLIDAKIS, D., GERA, I., NAGY, K., AZZI R. & ETIENNE D. Treatment of class III multiple gingival recessions: a randomized-clinical trial. J Clin Periodontol 2010; 1 : 88-97.
AROCA S., MOLNAR, B., WINDISCH ,P., GERA,I.,SALVI G.E., NIKOLIDAKIS ,D., & SCULEAN, A. Treatment of multiple adjacent Miller class I and II gingival recessions with a Modified Coronally Advanced Tunnel (MCAT) technique and a collagen matrix or palatal connective tissue graft. A randomized, controlled clinical trial. J Clin Periodontol 2013; 7 : 713-20.
AZZI, R. & ETIENNE, D. Recouvrement radiculaire et reconstruction papillaire par greffon conjonctif enfoui sous un lambeau vestibulaire tunnélisé et tracté coronairement. JPIO 1998; 17 : 71-77.
BORGHETTI A. MONNET-CORTI V. Chirurgie plastique parodontale. Collections JPIO. Editions CdP. 2000.
HURZELER, MB, WENG, D.. A single-incision technique to harvest subepithelial connective tissue grafts from the palate. Int J Periodontics Restorative Dent. 1999; 19 : 279-87.
TOZUM TF, DINI FM. Treatment of adjacent gingival recessions with subepithelial connective tissue grafts and the modified tunnel technique. Quintessence Int. 2003; 34 : 7-13.
ZABALEGUI I, SICILIA A, CAMBRA J, GIL J, SANZ M. Treatment of multiple adjacent gingival recessions with the tunnel subepithelial connective tissue graft: a clinical report. Int J Periodontics Restorative Dent. 1999; 19 : 199-206.
ZUCCHELLI G. and DE SANCTIS M.Treatment of multiple recession-type defects in patients with esthetics demands. J Periodontol 2000; 71 : 1506-1514
Les auteurs
Hadi Antoun
Exercice privé limité à l'implantologie et la parodontologie, Paris.
Fondateur de l'IFCIA.
Sofia Aroca
Professeur associée au département de Parodontologie de l'Université de Berne, exerçant la parodontologie et l'implantologie orale exclusivement en pratique privée à Saint Germain en Laye.