Simplification des protocoles chirurgicaux ; à propos d’un cas. 5 février 2015
Dans notre exercice quotidien, lors de réhabilitations orales, nous sommes souvent amenés à associer la demande des patients d’ordres fonctionnel, esthétique, nociceptif, peu invasif, économique, de temps de réalisation, et de stabilité des résultats avec des impératifs biologiques de cicatrisation, d’ostéointégration, de conception et de réalisation des prothèses de transition et d’usage, en combinant les traitements dentaires et implantaires.
Le cas clinique
L’objet de ce cas clinique d’une patiente de 67 ans qui ne présente aucune contre-indication d’ordre général, est d’établir et de réaliser un traitement de reconstruction implantaire et dentaire avec l’équipe intervenante (praticien prothésiste coordinateur, praticien chirurgien, prothésiste, et assistantes).
Le respect des étapes mentionnées ci-dessus est nécessaire afin d’atteindre les objectifs fixés et de les associer à la rééducation de la patiente à sa santé bucco-dentaire.
Avril 2011 : Consultation, examens, étude du projet
- On relève des atteintes avancées des tissus dentaires nécessitant extractions, traitements endodontiques et restaurations prothétiques sur les dents en 12, 22, 24, 27 et 44 (Fig.1 à 3).
Fig. 1: La ligne haute d’insertion du buccinateur au niveau de la crête de 46 et 47 réduit les tissus kératinisés nécessitant ainsi un remodelage gingival.
Fig. 2: L’état pathologique parodontal exigera une prise en charge avec réadaptation des techniques d’hygiène bucco-dentaires. Ceci permettra de réduire l’inflammation gingivale et la stabilisation de l’atteinte osseuse maxillaire au tiers moyen.
Fig. 3: Examen radiologique initial confirmant les données cliniques.
- En absence des troubles de L’ATM et de la posture, on envisagera des restaurations implanto-portées en 14, 15, 16 et 17; en 25 et 26; en 45 et 46 en conservant l’occlusion et la DVO de la patiente.
Traitement en sites de 14, 15, 16, et 17
- Juillet 2011 : Extractions de 14 et 17. La conservation temporaire de la 16 assurera le maintien de la DVO et une fonction masticatrice droite à minima.
- Novembre 2011: Après cicatrisation osseuse des sites de 14 et 17, on procède à la mise en place de 2 implants Speedy Groovy (Nobel Biocare) et à l’extraction de la 16 avec comblement de l’alvéole à l’aide d’une xénogreffe (Bio-Oss, Geistlich) (Fig.4).
Fig. 4: On inclinera l’implant en 17 en direction disto-palatine afin d’éviter une intrusion sinusienne.
- Décembre 2011: La stabilité primaire obtenue lors de l’insertion chirurgicale des implants avec un couple de 35 Ncm autorise la mise en charge précoce à l’aide d’un bridge provisoire de 14 à 17 (Fig.5).
Fig. 5: La fonction masticatrice bilatérale de la patiente est maintenue à l’aide du bridge provisoire placé rapidement après la mise en place des implants en secteur 1.
- Juin 2012 : L’indicateur de positionnement, prévu préalablement dans le bridge provisoire au niveau de la 16, montre une insuffisance de la hauteur nécessaire pour la mise en place d’un implant sans comblement sinusien. Afin d’éviter la greffe de sinus, le choix d’un implant en position de 15 est retenu (Fig.6).
Fig. 6: La position et l’espacement des implants permettra une reconstruction prothétique harmonieuse de quatre éléments vissés sur piliers MUA.
Traitement en sites de 25 et 26
- Juillet 2011: Extraction de 26 et comblement de l’alvéole à l’aide d’une hydroxyapatite d’origine bovine.
- Novembre 2011: Mise en place de deux implants en site de 25 et 26. Un implant de petit diamètre 3,3 mm est retenu pour le site de 25 afin d’éviter une augmentation osseuse. Un deuxième de taille standard, de 4mm de diamètre, est choisi pour le site de 26 (Fig. 7 à 9). Ce dernier a été incliné distalement après trépanation du sinus afin d’épargner la greffe de sinus à la patiente.
Fig. 7: Etude préopératoire des volumes osseux disponibles montrant une crête fine en 25 et une proximité du sinus en 26.
Fig. 8: On note l’inclinaison mésio-palatine de l’implant en 26 afin d’éviter une greffe sous sinusienne et de profiter de l’ancrage à la corticale antérieure du sinus. La fenestration apicale sur l’implant en 25 sera comblée avec une xénogreffe.
Fig. 9: Un pilier MUA angulé à 17° permettra de redresser l’axe prothétique de l’implant en position de 26.
- Malgré une bonne stabilité primaire et pour des raisons économiques, nous éviterons une mise en charge immédiate.
Traitement en sites de 45 et 46
- Juillet 2011 : mise en place de deux implants Branemark MK3 Groovy (Nobel Biocare) en site de 45 et 46 (Fig. 10).
Fig. 10: Deux implants en 45 et 46 placés dans le couloir prothétique suffiront pour maintenir la fonction masticatrice.
- Décembre 2011 : Pose des reconstructions prothétiques e.max (Ivoclar, Laboratoire LCD) scellées sur piliers usinés en zircone. La position du joint couronne/pilier légèrement supra-gingivale permet de contrôler visuellement l’élimination totale du ciment de scellement (Fig. 5).
- Octobre 2012 : En absence de tissus kératinisés, le brossage au niveau de ce secteur rend la muqueuse sensible. Une greffe épithélio-conjonctive prélevée au palais est indiquée (Fig. 11 à 15).
Fig. 11: Un greffon épithélio-conjonctif large est prélevé au palais.
Fig. 12: Protection du site de prélèvement avec un pansement (Coe-pack) retenu avec des sutures. Il participera à l’hémostase et au confort postopératoire de la patiente.
Fig. 13: Stabilisation sur le site receveur avec des sutures périostées.
Fig. 14: La néo-vascularisation établie, on observe une bonne intégration et un remodelage tissulaire à 15 jours.
Fig. 15: Aspect de la cicatrisation du site donneur à 15 jours du prélèvement.
Novembre 2012, cas terminé
Ainsi la réhabilitation inclura (Fig. 9 et 16a et b) :
- Un bridge céramo-métallique vissé sur piliers MUA de 14 à 17.
- Des prothèses unitaires céramo-céramiques scellées sur piliers en zircone (Procera, Nobel Biocare) en position de 45 et 46.
- Une augmentation du volume de tissu kératinisé autour de l’implant en site de 46 améliorant la stabilité tissulaire et rendant le brossage moins sensible.
- Deux prothèses céramo-métalliques contigües vissées sur piliers MUA en 25 et 26.
Malgré toutes les consignes d’hygiène bucco-dentaires données à la patiente en début de traitement, l’élimination de la plaque reste peu satisfaisante.
La patiente considérée à risque, doit être suivie régulièrement afin de prévenir toute complication ultérieure.
Fig. 9: Un pilier MUA angulé à 17° permettra de redresser l’axe prothétique de l’implant en position de 26.
Fig.16 a et b: Vue finale 19 mois après le début du traitement. La patiente ayant suivi précédemment des soins dentaires en permanence pendant plusieurs années, retrouve le confort et la satisfaction qu’elle recherchait.
Fig.16b
Conclusion
Dans les réhabilitations orales intéressants simultanément plusieurs secteurs dentaires, il est important de ne pas prolonger la durée de traitement et utiliser des protocoles chirurgicaux éprouvés scientifiquement et cliniquement.
Le projet prothétique préalablement choisi permet d’établir un fil conducteur pour la progression du plan de traitement.
L’évolution de la morphologie des implants, des techniques chirurgicales peu invasives, de la connaissance des processus d’ostéointégration et de mise en charge rapide ont permis à cette patiente de conserver une dynamique masticatrice tout au long du traitement, en évitant le passage par une phase d’édentement dans le secteur 1.
Par ailleurs, l’amélioration des propriétés des implants exposés à des contraintes mécaniques élevées par un traitement à froid augmentant jusqu’à 50% la résistance et la dureté du titane pur à usage commercial de grade 4, a permis le contournement des obstacles anatomiques en utilisant des implants fins et des implants à position inclinée, évitant ainsi à la patiente d’avoir recours à des techniques d’augmentation osseuse.
Enfin, dans les zones mandibulaires postérieures atrophiques, hypovascularisées, exposées à des pertes osseuses aboutissant à la perte des implants, il est nécessaire d’intercepter l’insertion sur la crête du muscle buccinateur par apport de tissu kératinisé. Par conséquent, un meilleur contrôle de plaque est possible ce qui permet aux tissus environnants de mieux lutter contre l’installation de processus infectieux difficiles à traiter tels que la péri-implantite.
Lectures conseillées
Wennström JL, Derks J. Is there a need for a keratinized mucosa around implants to maintain health and tissue stability? Clin. Oral Implants Res 2012;23 (suppl.6):136-146.
Chrcanovic B.R., Albrektsson T, Wennerberg A. Titled versus axially placed dental implants: A meta-analysis. Journal of Dentistry 2015:43:149-170.
Sohrabi K, Ammar M, Shahrokh E, Feine J. How successful are small-diameter implants? A literature review. Clin. Oral Impl Res 2012;23:515–525.
Brito C, Tennenbaum H C, Wong BKC, Schmitt C, Nogueira-Filho G. Is keratinized mucosa indispensable to maintain peri-implant health? A systematic review of the literature. J Biomed Mater Res Part B 2014:102B:643–650.
Antoun H. Alternatives à la greffe de sinus. Les greffes de sinus en implantologie, éditions CdP, 2011.
Les auteurs
Hadi Antoun
Exercice privé limité à l'implantologie et la parodontologie
Paris, Fondateur de l'IFCIA.
Théodore Majid Abillama
Docteuren Chirurgie Dentaire
Exercice privé, Saint Germain en Laye
Olfa Rachdi
Docteur en Chirurgie Dentaire
CES de Parodontologie, Paris 7