Préservation de la crête alvéolaire dans le secteur postérieur maxillaire 13 janvier 2015
Il est aujourd’hui bien établi que l’extraction d’une dent conduit à des variations dimensionnelles de la crête alvéolaire, qui se traduit par une réduction importante du volume osseux.
Selon une revue systématique récente publiée en 2012 par Tan et coll., on peut ainsi estimer la perte osseuse horizontale entre 29 et 63% et la perte osseuse verticale à environ 22%.
Dans le secteur postérieur maxillaire, la diminution du volume osseux résulte des mécanismes de résorption osseuse survenant après une extraction, mais aussi d’une augmentation du volume de la cavité sinusienne (pneumatisation secondaire du sinus).
Par conséquent, l’utilisation des techniques de préservation alvéolaire peut constituer dans ce genre de cas un grand intérêt car permettent parfois de poser des implants sans le recours à des techniques d’augmentation osseuse.
Le cas clinique présenté ci-dessous fait l’objet d’une étude rétrospective que nous avons réalisé et que vous pouvez consulter sur le numéro Objectif Paro Décembre sur le site de la SFPIO (http://www.sfparo.org/).
Le cas clinique
État général et motif de consultation
Il s’agit d’une patiente âgée de 59 ans, en bonne santé générale,
fumeuse (10 cigarettes/jour), qui est adressée par son dentiste traitant
pour un avis concernant le pronostic des dents 16 et 17.
Décembre 2012
Examen clinique et radiographique
Fig 1 : Vue clinique des dents 16 et 17 avec indication d’extraction.
Fig. 2 : Panoramique dentaire initiale montrant la présence de lésions apicales, une alvéolyse horizontale sévère et une atteinte des furcations en regard de 16 et 17.
Décision thérapeutique et plan de traitement
Les éléments issus de l’anamnèse et des examens clinique et radiographique ont permis de mettre en évidence le mauvais pronostic des dents 16 et 17 et par conséquent, l’indication d’extraction.
Ainsi, un plan de traitement a été établi :
- Motivation et enseignement à l’hygiène oral,
- Assainissement parodontal,
- Extraction atraumatique des dents 16 et 17,
- Comblement des alvéoles par un matériau de substitution osseuse.
Janvier 2013
Extraction des dents 16 et 17
Les extractions des dents 16 et 17 ont été réalisées par une gestuelle chirurgicale la plus atraumatique possible, sans levée de lambeau et par séparation radiculaire (Fig.3 a et b).
Figs. 3a et b : Extractions atraumatiques sans levée de lambeau. Curetage méticuleux des alvéoles et préparation pour la mise en place d’un biomatériau.
Après un curetage minutieux des alvéoles, celles-ci ont été comblées par du Bio-Oss® Collagen (Geistlich). La mise en place de ce biomatériau permettrait de limiter les mécanismes de résorption osseuse ainsi que l’effondrement du sinus (Fig. 4).
Fig. 4 : Comblement des alvéoles post-extractionnelles par du Bio-Oss® Collagen (Geistlich).
L’obturation des alvéoles est assurée par la mise en place d’une matrice collagénique Mucograft® (Geistlich) de manière à protéger le biomatériau et favoriser un recouvrement rapide de l’alvéole par les tissus muqueux. Pour cela, la matrice est découpée à sec à la taille désirée, puis placée sur les alvéoles par tunnelisation et enfin fixée par des sutures 6.0 (monofilament) à points simples (Fig. 5a et b ; Fig.6).
Figs. 5a et b : Après mesure de la taille de l’alvéole, la matrice est découpée à la taille désirée.
Fig. 6 : Les alvéoles sont obturées avec une matrice collagénique Mucograft® (Geistlich)
Deux mois après les extractions, on observe une bonne maturation tissulaire et la préservation du volume de la crête alvéolaire (Fig. 7 et 8).
Fig. 7 : Cicatrisation à une semaine: fermeture incomplète des alvéoles mais la protection du matériau est assurée.
Fig. 8 : Cicatrisation à 2 mois avec une bonne maturation tissulaire et maintien du volume crestal.
Septembre 2013
Chirurgie implantaire
Six mois après, un CBCT a été réalisé pour planifier la pose des implants 16 et 17. L’examen radiologique nous montre la faisabilité de la mise en place de ces implants sans le recours à la greffe de sinus (Fig.9). Les implants suivants sont alors planifiés ;
- Site 16 : Implant Branemark MK4 TiUnite WP 5x10mm
- Site 17 : Implant Branemark MK4 TiUnite WP 5x10mm
Fig. 9 : CBCT dentaire montrant la préservation d’un volume osseux suffisant pour la pose des implants 16 et 17 sans technique d’augmentation osseuse associée
Les implants sont non enfouis avec des piliers de cicatrisation WP 6x5mm sur les deux implants. Cette technique de non enfouissement a permis d’éviter une 2ème intervention et de gagner du temps sur la cicatrisation gingivale (Fig.10 et 11).
Fig. 10 : Mise en place de deux implants Branemark (Nobel Biocare) légèrement coniques et de large diamètre sur 16 et 17 sans technique d’augmentation osseuse associée.
Fig. 11 : Maturation des tissus mous et maintien du volume autour des implants intégrés (7 mois après les extractions).
Février 2014
Contrôle et feu vert pour la mise en place des prothèses
L’examen clinique montre une gencive saine et des implants bien intégrés (Fig.12).
Le contrôle radiologique révèle un niveau osseux péri-implantaire stable. (Fig.13).
Fig. 12 : Vue clinique des prothèses sur les implants 1 an après leur mise en place. Noter l’intégration tissulaire des restaurations implanto-portées.
Fig. 13 : Contrôle radiographique à 1 an. Noter le maintien du niveau osseux crestal ainsi que le maintien du bas fond sinusien à distance au niveau de la 16.
Fig.14 : Classification de Sharan (Sharan & Madjar, 2008)
Conclusion
Le comblement alvéolaire est une technique de chirurgie pré-implantaire qui permet de minimiser les résorptions osseuses secondaires aux extractions dentaires.
Au maxillaire postérieur, la préservation de la crête alvéolaire peut éviter, dans certains cas, la pose d’implants sans le recours à une greffe de sinus.
Cependant, la position de la dent par rapport au sinus doit être prise en considération avant l’utilisation de cette approche. En effet, Sharan et Madjar (2008) ont établi une classification sur la relation entre le plancher inférieur du sinus et les différentes positions topographiques des dents à extraire (Fig.14).
Selon une étude préliminaire que nous avons réalisée, dans des cas de forte proximité sinusienne, avec des racines enveloppées par le bas fond sinusien (classe IV), cette technique n’a pas permis d’éviter la greffe de sinus dans environ 80% des cas.
Néanmoins, dans d’autres situations, des résultats intéressants peuvent être observés. Le cas clinique exposé ci-dessus représente une Classe 0 de Sharan.
La technique de préservation de la crête alvéolaire par le comblement et l’obturation alvéolaire mise en œuvre dans ce cas clinique nous a permis de limiter le processus de remodelage osseux et de préserver le maximum des tissus osseux et muqueux.
Par conséquent, la mise en place des implants a pu être réalisée sans technique d’augmentation osseuse associée, avec une diminution du temps opératoire, une simplification de la procédure et un résultat final satisfaisant.
Lectures conseillées
Cardaropoli G, Araujo M, Lindhe J. Dynamics of bone tissue formation in tooth extraction sites. An experimental study in dogs. J Clin Periodontol 2003;30: 809-818.
Araujo MG, Sukekava F, Wenstrom JL, Lindhe J. Ridge alteration following implant placement in fresh extraction sockets: an experimental study in dog. J Clin Periodontol 2005;32: 645-652.
Tan WL, Wong T, Wong M, Lang N. A systematic review of post-extractional alveolar hard and soft tissue dimensional changes in humans. Clin Oral Implants Res 2012 Feb; 23 Suppl 5:1-21.
Sharan A, Madjar D. Maxillary sinus pneumatization following extractions: a radiographic study. Int J Oral Maxillofac Implants. 2008;23:48-56.
Rasperini G, Canullo L, Dellavia C, Simion M. Socket grafting in the posterior maxilla reduces the need for sinus augmentation. Int J Periodontics Restorative Dent. 2010;30:265-273
Les auteurs
Hadi Antoun
Exercice privé limité à l'implantologie et la parodontologie
Paris, Fondateur de l'IFCIA.
Sylvie Pereira
DU Parodontie Clinique, Paris V
Master clinique en Parodontologie, Paris VII
Parodontologie exclusive, Paris