Cas clinique complet : Extraction, implantation et mise en charge immédiate d’un all-on-6 28 mars 2023
Comprendre les attentes et les demandes des patients est essentiel dès la première consultation. Il est crucial d'expliquer aux patients les objectifs et les limites du traitement. A la fin de l’analyse esthétique, le but est d’obtenir le parfait compromis entre les attentes du patient et la réalité clinique. Tout traitement doit être basé sur trois phases clés : Phase préparatoire / Phase chirurgical / Phase prothétique.
Par les Drs Hadi Antoun, Richard Massihi et Édouard Cristofari.
Présentation du cas
Mme B. âgée de 72 ans à la première consultation nous a été adressée afin de trouver une solution prothétique fixe et pérenne. Du point de vue de son état général, elle ne présente pas de soucis médicaux particuliers.
Figure 1, 2 et 3 : La patiente est une femme de 72 ans, non fumeuse et sans antécédent médical. L’examen dento labial et dentaire révèle un sourire disgracieux et un état initial dégradé. Les fractures de 13 et 23 et l’édentement postérieur nous dirige vers une prothèse complète implanto portée
L’examen extra oral révèle une répartition inharmonieuse des étages de la face réhabilitée par une prothèse amovible partielle maxillaire. Les 13 et 23 sont fracturées, la 21 est absente et le bridge 13 à 23 a un historique récurrent de descellement. La patiente ne souhaitant pas de greffe de sinus, l’option all on X semble la plus appropriée. Le volume osseux disponible doit être analysé. Bedrossian et al ont proposé une quantification du volume osseux maxillaire, particulièrement utile lors de la planification du traitement du maxillaire édenté.
Figure 4a et 4b : CBCT pré opératoire et panoramique dentaire montrant l’insuffisance de hauteur sous sinusienne qui indique la réhabilitation par 6 implants maxillaires dont 2 postérieurs inclinés, 2 en regard des canines et 2 en regard des incisives centrales.
Discussion
Dans ce cas, l’os est présent dans la région des prémolaires et dans le secteur antérieur maxillaire. La phase chirurgicale comprend les extractions des dents maxillaires avec une pose simultanée de six implants.
La réhabilitation complète du maxillaire implique de restituer des courbes occlusales harmonieuses. Il est important de ne pas commencer le traitement implantaire sans valider la relation interarcade ; en effet, cela peut affecter l'ensemble du traitement prothétique. Gardons à l'esprit que l'objectif du traitement implantaire est d'obtenir un résultat prothétique esthétique et fonctionnel.
Figure 5 et 6 : Impression 3D du projet prothétique qui servira lors de la planification implantaire
L'ostéointégration des implants seuls n'est pas suffisant si leur positionnement est incompatible avec la réhabilitation prothétique. La solution fixe, sans fausse gencive, est très exigeante en termes de positionnement et l'émergence de l'implant doit être en phase avec l'émergence de la dent prothétique dans les trois plans de l’espace.
Un projet prothétique amovible est imprimé.
Figure 7 et 8 : Mise en simulation de la maquette nous permettant d’établir la dimension verticale correcte et l’occlusion.
Une fois la bonne relation interocclusale trouvée, l'espace prothétique disponible et le type de restauration à réaliser est déterminé. Pour les situations où l'espace prothétique disponible est minime, la prothèse sera proche d'une prothèse fixe traditionnelle. Cette restauration n'inclura pas de gencive artificielle et les proportions dentaires correctes devront être respectées.
Cette prothèse est la plus exigeante cliniquement en raison d'exigences esthétiques importantes, surtout s'il existe une ligne de sourire haute où la gencive serait visible. Lors de cette phase d’essayage, des réglages seront effectués : ligne du sourire, alignement par rapport à la ligne médiane, overjet, occlusion…
Le traitement du maxillaire sera réalisé en plaçant six implants avec mise en charge immédiate à l'aide d’un bridge provisoire. Deux implants distaux sont positionnés le long de la paroi antérieure du sinus et implique l’utilisation de cantilever distaux lors de la réalisation de la prothèse definitive. Afin d’avoir une distribution correcte des implants, deux implants seront positionnés en regard des incisives centrales et deux en regard des canines.
Figure 9 et 10: Coupe d’un des implants angulés. La planification implantaire par logiciel CAD/ CAM est réalisé avec la technique du double scan. De cette planification émergera un guide chirurgical imprimé.
Une technique consistant à préserver dans l’alvéole une partie de la racine en regard de la corticale vestibulaire afin de maintenir l’os fasciculé et le ligament alvéolo dentaire a été realisée.
Figure 11 : Alvéole post extractionnelle et technique socket shield. On peut observer la maintenance d’un fragment de racine en vestibulaire qui sera complété par un comblement avec un biomatériau d’origine bovine.
Le guide en impression SLA est placé correctement avec une clé d’occlusion. Une fois dans la bonne position, le guide est stabilisé grâce à 5 clavettes. Après avoir réalisé la séquence de forage, les implants sont insérés dans la position planifiée en « full guided ». On peut observer l’insertion de 4 implants engageant les douilles de manière alternative afin de limiter la pression sur le guide chirurgical.
Figure 12 : Mise en place du guide implantaire. Une cale d’occlusion permet de stabiliser le guide afin de positionner les clavettes d’ancrage.
Figure 13 : Forage et mise en place de 6 implants. Les piliers Multi Unit droits sont vissés à 35Ncm puis à 15Ncm sur les piliers angulés le jour de la chirurgie. Une technique de rouleau a été réalisée pour un aménagement muqueux ainsi que la technique du « socket shield » associées à des comblements osseux dans les alvéoles déshabitées.
Après réglage de la hauteur des transferts d’empreinte, afin d'éviter toute interférence avec la prothèse antagoniste pendant les enregistrements, l’interposition d’une feuille de digue au-dessus de la gencive permet de protéger le site opératoire.
Figure 14 : Essayage du provisoire immédiat. Celui ci sera solidarisé en bouche avec de la résine autopolymerisable
Afin de connecter ces piliers, un sablage de l’intrados de la prothèse, ainsi que l’application d’une couche d’adhésif, a permis de servir pour adhérer à la résine bisacryl auto-polymérisable. Les profils d’émergences sont préparés et la prothèse de transition est posée le jour même au cabinet.
Figure 15, 16 et 17 : Situation post opératoire. La patiente repart le jour même avec son bridge provisoire sans fausse gencive
Quatre mois après la chirurgie, la phase prothétique peut être initiée. On peut observer la maturation et la mise en forme des tissus mous autour de la prothèse provisoire.
Figure 18 et 19 :4 mois plus tard nous pouvons apprécier d’une part la préservation des galbés vestibulaires et d’autre part la présence et l’anatomie des papilles.
L'empreinte est une étape clé conditionnant l’ajustement passif de l'armature pour éviter les contraintes et les complications associées. Les transferts sont solidarisés avec une résine auto polymérisable Duralay qui a permis aussi de transmettre au laboratoire individuellement le profil d’émergence autour de chaque implant. A l’aide d’un silicone light injectable, les contours gingivaux péri-implantaires sont enregistrés. Enfin, un mordu de l’antagoniste permet d’enregistrer la relation inter-maxillaire, puis transmis au prothésiste.
Figure 20 et 21 : Impression silicone ciel ouvert avec l’utilisation de transfert d’empreinte solidarisé par de la résine.
Ce maillage permet également de retranscrire l’architecture des tissus mous péri implantaires.
Il est nécessaire de valider la mise en place des implants à l'aide d’une clé en plâtre. Celle-ci est effectuée par le laboratoire, avec les transferts d'empreinte sur le modèle puis validée en bouche. Il présente l'avantage de se rompre sous de faibles contraintes mécaniques. Une fois validée, l’armature peut être usinée. La zircone se distingue des autres types de céramiques par une très bonne résistance à la flexion (jusqu'à 1 200 MPa) et une très bonne ténacité. En dépit de ses propriétés mécaniques, son module d’élasticité élevée la rend fragile, nécessitant des empreintes et un usinage précis. Sa conception est réalisée sans base titane, permettant d’éviter leur décollement et de profiter de sa très bonne biocompatibilité.
Figure 22 : Armature cut back. L’ajout de céramique cosmétique en vestibulaire permet de diminuer le risque de chipping occlusal.
Le montage esthétique est confirmé à nouveau avant l’apposition de céramique cosmétique.
Figure 23 : Validation des volumes avant apposition de la céramique esthétique. L’armature est également essayé en bouche afin d’évaluer sa passivité.
Il est impératif de vérifier la passivité de son insertion, des paramètres fonctionnels et esthétiques, conformément aux données du bridge provisoire. Il est important de concevoir une armature avec un espace prothétique suffisant pour la céramique cosmétique. Pendant la cuisson et le refroidissement, l'utilisation d'épaisseurs régulières de céramique esthétique minimise la contrainte d'interface interne qui peut affecter la résistance de la pièce prothétique et provoquer du chipping. L’ensemble de la démarche étant accomplie et validée, les vis de prothèse sont serrées à 15N.cm et les puits d’accès sont obturés avec un composite par-dessus des bandes en téflon.
Figure 24 a, 24 b et 25 : Situation finale du bridge définitif sur une armature zircone stratifiée en vestibulaire, vissé à 15N.
On peut noter la limite de transition prothétique au dessus de la ligne du sourire.
Un contrôle radiologique de référence est fait. La restauration des fonctions masticatrice et esthétique donne entière satisfaction à la patiente.
Figure 26 : Examen radiographique de contrôle du bridge définitif avec armature zircone à 6 mois, l’examen radiographique de référence montre une parfaite stabilité du niveau osseux.
Le protocole présenté a commencé par une analyse esthétique approfondie qui permet de planifier la chirurgie. Elle se poursuit par une démarche thérapeutique standardisée qui assure le succès final du traitement et répond aux différents objectifs établis : Éviter la greffe osseuse / Assurer un taux de réussite élevé / Rétablir l'esthétique et la fonction / Fournir au patient un traitement fixe immédiat prothèse.
Lectures conseillées :
- Bedrossian E, Sullivan RM, Fortin Y, Maló P, Indresano T. Fixed-prosthetic implant restoration of the edentulous maxilla: A systematic pretreatment evaluation method. J Oral Maxillofac Surg 2008;66:112–122.
- Bäumer D, Zuhr O, Rebele S, Hürzeler M. Socket Shield Technique for immediate implant placement - clinical, radiographic and volumetric data after 5 years. Clin Oral Implants Res. 2017 Nov;28(11):1450-1458. doi: 10.1111/clr.13012. Epub 2017 Mar 23. PMID: 28333394
- Bidra AS, Rungruanganunt P, Gauthier M. Clinical outcomes of full arch fixed implant-supported zirconia prostheses: A systematic review. Eur J Oral Implantol. 2017;10 Suppl 1:35-45. PMID: 28944367.
- Tiossi R, Gomes ÉA, Faria ACL, Rodrigues RCS, Ribeiro RF. Biomechanical behavior of titanium and zirconia frameworks for implant-supported full-arch fixed dental prosthesis. Clin Implant Dent Relat Res. 2017 Oct;19(5):860-866. doi: 10.1111/cid.12525. Epub 2017 Aug 2. PMID: 28772024.
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- Malo P, Hopp M, Miguel DMD, Ara D. Comparison of marginal bone loss and implant success between axial and tilted implants in maxillary All-on-4 treatment concept rehabilitations after 5 years of follow- up. 2017;(July):849–59.
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- Tealdo T, Pera F. Immediate Versus Delayed Loading of Dental Implants in Edentulous Patients’ Maxillae: A 6-Year Prospective Study. 2014;27(3):207–14.