La péri-implantite, conséquence d’erreurs thérapeutiques 19 juillet 2023
Revue de littérature par les Drs. Amina Hassaine et Hadjira Kaim
Les thérapeutiques implantaires sont aujourd’hui largement documentées par de nombreuses études cliniques qui rapportent d’importants taux de succès implantaires mais également une augmentation de la prévalence des péri-implantites, notamment au cours des deux dernières décennies.
Le présent article retrace un ensemble d'erreurs et complications de la thérapeutique implantaire, pouvant conduire à une péri-implantite.
Objectif : fournir aux cliniciens des concepts sur la prévention des péri-implantites.
Erreurs thérapeutiques pouvant entrainer une péri-implantite :
1 | Sélection inappropriée du patient :
Un antécédent de maladie parodontale, un mauvais contrôle de plaque par le patient ainsi que l’absence d’une maintenance professionnelle régulière sont 3 les facteurs prédisposants à un risque élevé de péri-implantite. Les résultats d’études portant sur le tabac ainsi que le diabète comme facteurs de risque ne semblent pas très concluants.
Des outils de mesures peuvent être utilisés afin d’optimiser la sélection des patients candidats à une thérapeutique implantaire, tel que l’indice IDRA (Implant Disease Risk Assessment) qui inclus 8 paramètres à prendre en considération pour mieux identifier les individus présentant un risque élevé de développer une péri-implantite (Heitz-Mayfield et al, 2020)
2 | Insuffisance de thérapeutique parodontale :
Il a été largement démontré que la présence de poches parodontales résiduelles augmenterait le risque de péri-implantite et d’échec implantaire. L’accent est mis plus particulièrement sur la présence de poches parodontales > = 5 mm sur les dents résiduelles associée à un saignement au sondage, un indice de plaque >20% et à d’autres facteurs de risques. En effet, l’élimination de ces facteurs de risque « modifiables » par le biais d’une thérapeutique initiale, une réévaluation et cessation de tabac, est impérative avant d’entamer une thérapeutique implantaire.
3 | Position non optimale de l’implant :
Quoi que non clairement démontré dans la littérature, l’augmentation de la prévalence des péri-implantite semble être liée à un positionnement non optimal de l’implant :
- Dans le sens axial : Col implantaire situé trop apical par rapport à la jonction émail-cément de la dent adjacente (au-delà de 3mm selon Chan et al 2019 et au-delà de 6mm selon Kumar et al 2018),
- Dans le sens mésio-distal : Distance insuffisante entre 2 implants ou entre un implant et une dent naturelle),
- Dans le sens vestibulo-lingual : Faible épaisseur des tables osseuses vestibulaire ou linguale.
En effet, dans toutes ces situations, la position de l’implant représenterait un facteur étiologique direct ou prédisposant indirectement à la perte osseuse péri-implantaire et/ou une exposition de la surface implantaire à la cavité buccale. Dans cet article, l’accent est mis plus particulièrement sur l’importance de l’épaisseur de la table osseuse vestibulaire. Plusieurs auteurs ont démontré qu’une paroi osseuse vestibulaire « épaisse » a une influence positive sur le schéma de la résorption osseuse peri-implataire à long terme. À l’inverse, une épaisseur inférieure à 1,5 mm est exposée à une perte osseuse physiologique et pathologique significativement plus importante.
4 | Absence d'évaluation et de gestion des tissus mous péri-implantaires :
L'importance de la muqueuse kératinisé péri-implantaire a été longtemps controversée. Jusqu’à présent les conclusions divergent en ce qui concerne l'effet du tissu kératinisé sur la santé à long terme des tissus péri-implantaires et encore plus sur le développement de la péri-implantite. Il semble que la présence d’une muqueuse kératinisée péri-implantaire présente des avantages en termes de confort et de facilité d'élimination de la plaque par le patient puis permettrait de mieux protéger biologiquement les structures péri-implantaires.
5 | Absence d’un protocole de soins post-opératoire
Même si l’importance des contrôles postopératoires a reçu peu d'attention dans la littérature, la surveillance de la cicatrisation dans la zone chirurgicale doit toujours être effectuée pour réduire le risque de complications pouvant compromettre les résultats à long terme. L’absence d’un suivi post opératoire peut être considéré comme une erreur thérapeutique liée au développement de la péri-implantite.
En effet, toute complication postopératoire non soignée (retard de cicatrisation ou cicatrisation non-optimale, hémorragie, œdème ou infection de la plaie) fournirait un environnement propice à la multiplication des bactéries au sein du biofilm et jouerait par conséquent un rôle dans l'infection ultérieure des tissus péri-implantaires. À l'heure actuelle, il existe un manque de preuves scientifiques quant à la prescription systématique d'antibiotiques pour réduire les risques d'infection postopératoire de la plaie, d'échec précoce de l'implant et de développement tardif de la péri-implantite.
6 | Reconstruction prothétique incorrecte
La restauration prothétique supra-implantaire idéale doit assurer un équilibre aussi bien biologique que biomécanique. En plus d’une répartition optimale des forces occlusales, un profil prothétique permettant un contrôle individuel et professionnel optimal de la plaque et des conditions péri-implantaires sont des conditions indispensables à la réussite du traitement prothétique et la pérennité de la santé péri-implantaire. À l’inverse, leur absence doit être considérée comme une erreur majeure.
Lors des conceptions prothétiques, certains profils d'émergence et certaines conceptions prothétiques favorisant une accumulation supplémentaire de biofilm peuvent initier une maladie péri-implantaire et doivent donc être évités :
- Prothèse compressive,
- Profile concave des pontiques,
- Absence de passivité,
- Restaurations scellées (première cause de complications biologiques, Sailer et al 2012).
7 | Absence d’une thérapeutique de maintenance parodontale et péri-implantaire régulière :
Plusieurs études ont démontré la corrélation entre un suivi thérapeutique péri-implantaire régulier (c'est-à-dire au moins deux fois par an) et l’importance des taux de survie implantaire ainsi que la réduction des pertes osseuses péri-implantaires. À l’inverse, le non-respect des intervalles de rappels recommandés était associé à une incidence plus élevée de péri-implantites et d’échecs implantaires.
8 | Absence de diagnostic et de traitement de la mucosite peri-implantaire:
Par définition, la mucosite péri-implantaire est l’état inflammatoire qui précède la péri-implantite particulièrement en l’absence d’une maintenance régulière. Cet état inflammatoire est assez fréquent selon plusieurs études (approchant les 50%). Le passage de la mucosite à la péri-implantite n’a pas été clairement exploré et démontré dans cet article. Par contre, le passage d’un état de santé peri-implantaire à un état inflammatoire de mucosite a été mis en évidence grâce à des études expérimentales chez l’animales puis chez l’humain indiquant une relation directe de cause à effet, entre une accumulation de plaque continue et le développement d’une mucosite.
Un diagnostic et un traitement précoces de la mucosite péri-implantaire doivent être mis en place afin de prévenir l'apparition et la progression de la péri-implantite Un débridement mécanique en conjonction avec un contrôle de plaque optimal individuel a démontré son efficacité pour éliminer le saignement au sondage des implants diagnostiqués avec une mucosite péri-implantaire (Heitz-Mayfield LJ, 2011).
Conclusion
Cet article nous semble fondamental dans la compréhension de certaines complications et de certains échecs. D’autres facteurs restent encore à déterminer et que nous ne maitrisons pas pour l’instant.
Par contre, prenons acte des facteurs influents décrits ci-dessus, preuves scientifiques à l’appui, pour les appliquer au plus près à chaque patient que nous traitons pour leur donner les meilleures chances de succès sur le long terme.