Entretien Spécial sur la Chirurgie Guidée avec les Drs Hadi Antoun, Marc Baranes et Jérôme Lipowicz 28 juillet 2021
Entretien réalisé par Sabrina Raso
" Du côté de chez L' Académie de Chirurgie Guidée. " avec les Drs Marc Baranes et Jérôme Lipowicz
Parlez-nous de vos parcours individuels ?
JL: J’ai une pratique privée à Paris essentiellement tournée vers les restaurations collées et l’implantologie. J’ai eu la chance de me former il y a 20 ans en implantologie à l’hôpital St Antoine puis en 2007 en chirurgie guidée par Philippe Tardieu. Trois DU mais je suis toujours avide de formation, notamment sur autre terrain avec la création de Abcdent en 1999 et de nombreux autres sites.
MB: J’ai été formé à l’Université Paris Descartes où j’ai eu l’immense privilège d’être formé à la chirurgie orale par Louis Maman et Philippe Lesclous. J’ai ensuite rejoint les bancs de l’internat en odontologie à Paris où j’ai validé en parallèle le Diplôme d’Études Supérieures en Chirurgie Buccale. J’ai poursuivi mon cursus en intégrant l’équipe enseignante de Chirurgie Orale en tant qu’Assistant Hospitalo-Universitaire. A la fin de mon assistanat, j’ai créé mon cabinet en orientant mon activité exclusivement en chirurgie orale et implantaire Depuis 2019, mon activité est totalement centrée sur la chirurgie pré-implantaire et implantaire.
Comment vous est venue cette idée de monter ensemble L’Académie de Chirurgie Guidée ?
JL: En 2016 on ressent enfin un vrai décollage de l’informatique au cabinet et de nouvelles technologies en implantologie. Dans cette jungle de logiciels et de pratiques, il nous apparaissait essentiel avec Marc Baranes et Stéphane Kerner de créer une structure de formation à l’implantologie assistée par ordinateur.
MB: L’idée première était d’apporter un socle scientifique à une série de travaux pratiques sur des logiciels et systèmes implantaires aux philosophies parfois très distantes, et de monter des congrès. La chirurgie guidée basée sur les preuves, c’est le sens qui était donné à la création de l’Academie de Chirurgie Guidée pour démontrer l’intérêt de ces techniques avec un recul clinique significatif et beaucoup de pragmatisme. « Planifiez » , le premier congrès entièrement dédié à la chirurgie guidée en 2018, a été suivi avec succès par les International Digital Days en 2020 (2). Le prochain rdv sera le 11 décembre 2021 pour le congrès ALL-ON-X (3), auquel Hadi Antoun nous fera l’honneur de participer.
Comment avez-vous rencontré le Dr Antoun et comment qualifiez-vous cette collaboration ?
MB: J’ai rencontré Hadi il y a quelques années lors d’une formation IFCIA sur le thème du comblement sous sinusien. Ces formations associant théorique / pratique / chirurgie en direct sont parfaites pour faire évoluer sa pratique. Ensuite, nous avons été mis en relation par l'intermédiaire de notre prothésiste commun Jean François Barret pour échanger sur la planification et la chirurgie guidée chez l’édenté complet. Nous avons pu partager nos expériences et envisager de collaborer pour une formation 100% digitale.
JL: Nous nous croisons bien évidemment souvent dans les congrès. Son expertise incontestable en chirurgie pré-implantaire est reconnue de tous, et notre expérience en dentisterie numérique apporte une réelle valeur ajoutée à la richesse de son enseignement. Je pense surtout que l’alchimie est immédiatement née de l’amour du partage, de la curiosité, et de la volonté d’ouvrir les portes de l’IFCIA aux “juniors” !
Quel format de programme allez-vous présenter durant votre session à l’IFCIA ?
MB: C’est d’abord un programme dense ! Nous avons fait le choix de présenter en 2 jours tout ce qu’il était possible de faire bien sûr en chirurgie guidée, mais surtout tous les outils numériques que nous utilisons réellement au quotidien avec Jérôme. Trois interventions en direct de cas unitaire, partiel et total, couvriront l’essentiel des techniques chirurgicales et prothétiques.
JL: Ces interventions seront toujours précédées de cours théoriques et complétées par des travaux pratiques sur le flux numérique en implantologie. Le projet prothétique, la planification, les empreintes optiques et photogrammétriques, la chirurgie sur modèles, la temporisation et la mise en charge immédiate: à l’issue de cette session les participants auront toutes les clés pour traiter leurs cas sous le prisme rationnel du numérique.
L’avenir de la Chirurgie assistée par ordinateur quel futur proche / lointain ?
JL: Les firmes implantaires ont toutes compris l’intérêt de promouvoir la chirurgie guidée, pour des raisons scientifiques et économiques. Les chiffres et la littérature montrent que les praticiens l’intègrent de plus en plus. Nous aimons faire le parallèle entre les guides chirurgicaux et la digue dentaire: un moyen sécurisé qu’il faut adopter dans toutes les situations et dès aujourd’hui.
MB: L’avenir de l’implantologie assistée par ordinateur passera probablement par plus de précision, des protocoles nécessitant moins d’instruments, des impressions 3D plus rapides, et des logiciels toujours plus intelligents. Si le guidage statique n’a pas dit son dernier mot, il nous semble évident que la navigation évoluera vers plus d’indications et avec un matériel plus performant, moins encombrant et plus accessible.
Démystifier la pratique un des fer-de-lance de votre Académie, quelles lectures proposeriez-vous pour cet été ?
JL: Bien sûr les numéros de Clinic de février 2021 sur l’empreinte optique, que nous avons eu l’honneur avec Marc de codiriger, et juin 2021, où nous détaillons comment aborder sa première chirurgie guidée.
MB: En août, feuilleter agréablement le superbe Digital Implantology de Giuseppe Luongo (Quintessence, 2018)
" Du côté de chez L' IFCIA. " avec le Dr Hadi Antoun
Comment vous est venue cette idée de collaboration avec l’Académie de Chirurgie Guidée ?
Je pratique la chirurgie guidée depuis une quinzaine d’année mais je reconnais que son utilisation était sporadique et limitée à certaines indications notamment l’édenté complet. L’évolution du numérique ces dernières années ne pouvait pas me laisser indifférent notamment à travers une relative démocratisation des empreintes optiques, le développement des logiciels de planification ainsi puis des imprimantes 3D ainsi que la ré apparition de la chirurgie naviguée.
L’ADN de l’IFCIA est centré sur les augmentations osseuses, les mises en charge immédiates, la gestion des cas esthétiques et les aménagements muqueux.
Le numérique venait de temps en temps étayer certaines approches sans avoir le temps de les développer auprès de nos participants. C’est ainsi qu’a germé l’idée de créer une nouvelle session sur le numérique.
Pour prétendre transmettre à ses confrères, on se doit de maîtriser la chaine de l’apprentissage et de l’avoir expérimenté sous toutes ses formes pour que cette transmission se fasse dans les meilleures conditions et qu’elle soit efficace et légitime. C’est ainsi que je me suis retourné naturellement vers 2 praticiens Marc Baranes et Jérôme Lipowicz devenus incontournables dans le paysage du numérique en dentisterie. La première rencontre était très positive et la suite a découlé de source tant d’un point scientifique qu’humain et ces 2 aspects sont indissociables ! La collaboration de l’IFCIA avec l’ACG est avant tout une collaboration entre des hommes et des femmes.
Enfin, je me permets une réflexion ou plutôt une question un peu provocatrice mais à laquelle je crois ; est-il possible aujourd’hui de ne pas intégrer ces différentes avancées technologiques à notre exercice au vu des résultats améliorés, des marges d’erreurs réduites et de la moindre morbidité pour nos patients ?
Du virtuel au réel, parlez-nous de votre première expérience ? À faire et à ne pas faire ?
Une première expérience, selon le résultat obtenu, peut faire en sorte que l’on adopte de suite une approche ou qu’on l’abandonne sans nécessairement que ce soit fondé.
Pour cette raison, quand on décide de se lancer, il est absolument nécessaire d’appliquer avec le maximum de rigueur le protocole établi. C’est ainsi que j’ai réalisé mes premiers cas « NobelGuide » que je considère avec le recul réussis parce que j’ai appliqué pratiquement à la lettre les recommandations de cette approche.
Il est évident que le logiciel n’est pas capable de tout, c’est l’ensemble des étapes qui doivent répondre à un cahier des charges bien précis, et le logiciel est un maillon parmi d’autres qui va aider à planifier virtuellement nos implants à partir des données récoltées au préalable puis de générer le guide chirurgical ou bien de nous permettre de placer les implants par navigation. Au cours des cette session dédiée à la chirurgie guidée, nous allons aborder toutes les étapes qui vont permettre d’intégrer le numérique à sa pratique implantaire ou d’approfondir certains aspects. La sélection du patient est évidemment essentielle et précède l’enregistrement des différents paramètres grâce au numérique ; les empreintes optiques intra-buccal, le face scan, l’examen 3D, les mouvements articulaires et mandibulaires et les photos du patient nous permettent de créer un avatar du patient.
Les participants auront les bases théoriques, pourront appliquer à travers les workshops ces différentes approches et manipuleront un logiciel de planification pour imprimer sur place un guide et une couronne provisoire. Nous verrons aussi que ces planifications permettront de passer du virtuel au réel à travers la chirurgie naviguée.
3 interventions en direct sur patients permettront de visualiser en direct l’aspect chirurgical et prothétique avec une interaction direct et la participation de 4 formateurs et plusieurs assistantes pour un groupe limité de participants.
Quel temps d’adaptation ? Vrai gain de temps pour toutes les ressources humaines de l’assistante au praticien ?
L’organisation de ce flux demande une vraie ré organisation du cabinet, que ce soit le temps du praticien, de son ou ses assistantes ainsi que de l’équipe avec laquelle il travaille notamment le prothésiste.
Le temps d’enregistrement des différentes données ainsi que la planification doivent être prise en compte dans ce flux numérique et n’est pas négligeable. Une partie de ce travail peut être déléguée à des sociétés ou au prothésiste mais la validation des planifications par le chirurgien est essentielle, il en est de sa responsabilité d’assurer le succès du travail réalisé.
Un gain de temps au fauteuil est certainement possible après une courbe d’apprentissage. Néanmoins, la préparation du matériel et la calibration de l’instrumentation en cas de chirurgie naviguée demande du temps à intégrer aussi en particulier pour l’assistante qui peut assumer une partie de ce travail.
Le gain de temps peut se retrouver aussi à travers des suites opératoires sans doute plus réduites grâce à la chirurgie guidée qui rend nos interventions bien moins invasives.
Entre le temps supplémentaire dépensée en amont et le gain en aval, on devrait se retrouver globalement au même niveau qu’une intervention traditionnelle. Évidemment les avantages sont nombreux et je n’en citerai que 2 ;
- Plus de précisions
- Moins d’invasivité
Enfin, pour les plus jeunes il est peut-être plus simple de se lancer avec un flux qui intègre le numérique et pour les plus aînés nous sommes convaincus que ce type de formation leur permettra aussi d'acquérir les connaissances et les automatismes nécessaires à l'intégration de cette 4ème dimension indispensable à nos yeux pour un exercice serein et moderne.