Post-orthodontic Mucogingival Surgery 14 April 2015
Le déplacement orthodontique des dents peut entraîner une exposition iatrogène des racines, en particulier chez les patients présentant un biotype parodontal fin (Wennström, 1996). Lorsqu’on est confronté à ces situations, différentes techniques de chirurgie plastique parodontale ont été décrites pour recouvrir les récessions gingivales et augmenter les tissus mous. Le cas clinique présenté ci-dessous décrit le traitement de deux récessions mandibulaires adjacentes par la technique du tunnel modifié avancé coronairement (Azzi et Etienne, 1998).
Le cas clinique
État général et motif de consultation Il s’agit d’une jeune patiente âgée de 20 ans, en bonne santé générale, non fumeuse, qui est adressée par son dentiste traitant pour un avis concernant la récession gingivale de la 41 après traitement orthodontique.
Octobre 2013 - Examen clinique et radiographique
L’examen clinique montre la présence (Figs.1 et 2) :
- biotype parodontal fin et festonné,
- inflammation gingivale modérée généralisée, plus marquée au niveau du secteur antérieur mandibulaire, associée à un faible contrôle de plaque,
- récession de classe II de Miller sur 31 et 41 associée à une hypersensibilité dentinaire,
- frein labial inférieur proéminent.
Fig. 1: Vue clinique initiale montrant une abondance de plaque généralisée.
Fig. 2: Récession de classe II de Miller sur les 31 et 41 associée à une importante inflammation gingivale. Noter le frein labial mandibulaire qui semble tracter la gencive marginale.
A l’examen radiographique, on observe (Figs.3a et b) :
- contentions post-orthodontiques,
- absence de lésions carieuses et/ou apicales,
- niveau osseux normal en particulier en proximal des dents concernées.
Fig. 3a: Panoramique dentaire: absence de maladie parodontale, de lésions carieuses ou endodontiques.
Fig. 3b
Décision thérapeutique
Le traitement des récessions gingivales doit être effectué sur un parodonte sain. Par conséquent, la maîtrise de l’inflammation et l’élimination des facteurs pouvant aggraver cette dernière semblent indispensables.
En ce qui concerne le choix de la technique chirurgicale, comme il s’agit de récessions de classe II de Miller avec un tissu kératinisé apical <3mm et une profondeur de récession <4mm, nous avons décidé d'utiliser la technique du tunnel modifié avancé coronairement (Fig.4).
Fig. 4: Arbre décisionnel pour le traitement de récessions de classes I, II et III de Miller selon la présence de tissu kératinisé dans la zone apicale et latérale de la récession, la profondeur de la récession et le biotype gingival (Stein & Hammacher, 2012).
Plan de traitement
- Motivation et instructions à l’hygiène bucco-dentaire
- Assainissement parodontal
- Freinectomie
- Chirurgie mucogingivale par la technique de tunnelisation modifiée
Novembre 2013
Freinectomie
Le frein est mis en évidence par une forte préhension de la lèvre et disséqué en épaisseur partielle après une incision primaire en forme de V de part et d’autre (Fig.5). Le lambeau est ensuite suturé à l’aide de points discontinus avec un fil résorbable 6/0 (Fig.6).
Fig. 5: Freinectomie réalisée par une incision en forme de V.
Fig. 6: Vue post-opératoire de la freinectomie: rapprochement des berges par des sutures discontinues.
Janvier 2014
Chirurgie mucogingivale – technique du tunnel modifié avancé coronairement
Cette approche permet d’éviter les incisions verticales de décharge, préservant ainsi la continuité des papilles gingivales et d’optimiser l’apport vasculaire du lambeau. L’intervention débute par le surfaçage soigneux de la racine dénudée à l’aide d'une curette de gracey 5/6 (Hu-Friedy, IPP Pharma).
Par la suite, une incision intrasulculaire a été réalisée de 31 à 41, suivie d’une dissection en pleine épaisseur au niveau des papilles puis en épaisseur partielle au niveau de la muqueuse vestibulaire.
On obtient alors un lambeau muqueux supra-périosté qui reste cependant toujours attaché au niveau des papilles gingivales interdentaires. Cela permet de mobiliser la gencive marginale et, par conséquent, de créer une "poche".
Le prélèvement du greffon a été réalisé au niveau du palais droit par une seule incision horizontale de pleine épaisseur à quelques mm du collet des dents et en avant de la face mésiale de la 2ème molaire afin d’éviter le canal grand palatin. Cette incision est poursuivie par une dissection en épaisseur partielle parallèlement à la face palatine jusqu’à atteindre la largeur souhaitée du greffon (Fig.7).
Nous complétons par une incision jusqu’au contact osseux au niveau apical afin de pouvoir détacher le greffon avec son périoste comme c'est le plus souvent le cas. Le site donneur est suturé à l’aide d’un fil polyester 4/0 non résorbable (Ti-Cron 4-0 3/8C 16mm, IPP Pharma) selon la technique de Borghetti et Monnet-Corti (2000) afin de plaquer au mieux le lambeau et de réduire le caillot sanguin.
Le greffon est alors glissé dans l’enveloppe puis suturé sur le lit receveur par 2 points matelassiers verticaux réalisés de part et d’autre du site à l’aide d’un monofilament 6/0 non résorbable (Surgipro 6-0 3/8C 13mm, IPP Pharma) (Fig.8).
Pour obtenir un meilleur recouvrement de la greffe de tissu conjonctif, la partie vestibulaire a été tractée coronairement au niveau des papilles par des sutures de type matelassier vertical suspendues au dessus des points de contacts qui ont été fermés par une goutte de "bonding" (Fig.9).
Fig. 7: A 2 mois, prélèvement du greffon conjonctif au niveau du palais.
Fig. 8: Mise en place du greffon au niveau du site receveur puis sutures au monofilament polypropylène 6/0 non résorbable.
Fig. 9: L’ensemble, lambeau et greffon, est tracté puis positionné coronairement par des points suspendus.
Contrôle à 11 jours
La dépose des fils de suture est faite à 11 jours postopératoires. On observe une bonne adaptation des berges au niveau du palais (Fig.10) et l’aspect inflammatoire sur le site receveur dû au processus de cicatrisation en cours (Fig.11).
Fig.10: Cicatrisation de la zone de prélèvement palatine à 11 jours après dépose des points de sutures.
Fig. 11: Cicatrisation de la zone greffée à 11 jours avant la dépose de points de sutures.
Avril 2014
Contrôle à 3 mois
À 3 mois, on observe le recouvrement complet des récessions gingivales ainsi qu'une harmonie avec les dents adjacentes, tant au niveau de la couleur que de la texture (Fig.12 et 13). L’hypersensibilité dentinaire n’est plus ressentie par la patiente.
Fig. 12 et 13: A 3 mois, noter le recouvrement des racines dénudées et l’intégration esthétique de la greffe conjonctive qui a permis aussi d’épaissir les tissus.
Avril 2015
Contrôle à 1 an et 3 mois
On observe la stabilité des résultats cliniques. Le recouvrement radiculaire et le niveau de la gencive marginale sont superposables à ceux de l’année précédente malgré l’inflammation modérée induite par un contrôle de plaque qui n’est toujours pas optimal (Fig.14 et 15).
Fig. 13
Fig. 14 et 15 : Cicatrisation à 15 mois montrant une stabilité des tissus.
Fig. 15
Discussion
Étant donné la fréquence des malocclusions ainsi que de la finesse des tables osseuses vestibulaires dans le secteur antérieur mandibulaire, les complications des situations post-orthodontiques y sont souvent rencontrées. Par conséquent, lorsqu’un traitement de ce type est envisagé, l’analyse préalable du parodonte est indispensable pour permettre le dépistage de situations muco-gingivales défavorables pouvant générer l’apparition et/ou l’aggravation d’une récession.
La maintenance parodontale, avec contrôle de plaque et une surveillance tout au long du traitement restent primordiales dans le maintien d’une bonne intégrité tissulaire et pour la santé parodontale.
En cas de récessions gingivales unitaires ou multiples, la technique du tunnel modifié avancé coronairement est considérée comme une approche prévisible avec un taux de recouvrement complet moyen de 85% (Aroca, 2013).
Cette technique permet d’augmenter la gencive dans différentes situations cliniques, avec une meilleure intégration de la greffe grâce à l’absence d’incisions verticales de décharge et une préservation maximale de l’apport vasculaire.
Lectures conseillées
Aroca S, Molnar B, Windisch P, Gera I, Salvi G.E, Nikolidakis D & Sculean A. Treatment of multiple adjacent Miller class I and II gingival recessions with a Modified Coronally Advanced Tunnel (MCAT) technique and a collagen matrix or palatal connective tissue graft. A randomized, controlled clinical trial. J Clin Periodontol 2013;7:713-20.
Azzi R & Etienne D. Recouvrement radiculaire et reconstruction papillaire par greffon conjonctif enfoui sous un lambeau vestibulaire tunnélisé et tracté coronairement. JPIO 1998;17:71-77.
Borghetti A. Monnet-Corti V. Chirurgie plastique parodontale. Collections JPIO. Editions CdP. 2000.
Newman GV, Goldman MJ, Newman RA. Mucogingival orthodontic and periodontal problems. American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics 1994;105:321-327.
Cairo F, Pagliaro U, Nieri M. Treatment of gingival recession with coronally advanced flap procedures : a systematic review. J Clin Periodontol 2008;35:136-162.
Miller PD Jr. A classification of marginal tissue recession. Int J Periodontics Restorative Dent 1985;5:8-13.
Wennström JL. Mucogingival surgery in orthodontic treatment. Sem Orthodont 1996;2:46-54.
Stein J, Hammacher C. Technique de tunnélisation modifiée: options et indications en chirurgie muco-gingivale. JPIO 2012; Vol. 31 N°1; 19-31.
Les auteurs
Hadi Antoun
Exercice privé limité à l'implantologie et la parodontologie
Paris, Fondateur de l'IFCIA.
Sylvie Pereira
DU Parodontie Clinique, Paris V Master clinique en Parodontologie,
Paris VII Parodontologie exclusive, Paris